Dans son discours télévisé prononcé le 8 janvier 2021, évoquant la question du JCPOA (l’accord nucléaire de 2015 entre l’Iran et le 5+1), le Guide suprême de la Révolution islamique a déclaré: « Nous n'insistons pas du tout sur le retour des États-Unis au JCPOA, et nous ne sommes pas pressés qu'ils le fassent… Notre exigence rationnelle et logique est que les sanctions soient levées. C'est un droit confisqué de la nation iranienne. » Telle est la position énoncée par l'Imam Khamenei comme étant « le dernier mot définitif » et catégorique de la République islamique. En ce qui concerne ce «dernier mot définitif», KHAMENEI.IR a mené un entretien avec M. le Dr Muhammad Javad Zarif, ministre iranien des Affaires étrangères et l'un des membres du Conseil de surveillance de la mise en œuvre du JCPOA, afin de clarifier la position de la République sur les sanctions et l'accord nucléaire.
Interviewer: Pourquoi l'Occident et en particulier le gouvernement américain sont-ils obligés de lever toutes les sanctions imposées contre la nation iranienne? Pourquoi la levée des sanctions devrait-elle être antérieure au retour des États-Unis à l'accord nucléaire?
Dr Zarif: Après le retrait des Américains du JCPOA, ils ont rétabli le régime des sanctions précédentes et ont également intensifié les sanctions sous de nouveaux noms et titres. Par conséquent, le simple retour des États-Unis au JCPOA ne suffira pas. En effet, le JCPOA a été négocié dans des circonstances où certaines sanctions étaient en place contre l’Iran, et la levée de ces sanctions était spécifiée dans cet accord. En d'autres termes, le but de l'accord sur le nucléaire était de lever les sanctions. À l'heure actuelle, pour restaurer ces conditions, le simple retour des États-Unis au JCPOA ne suffit pas. Au lieu de dire qu'ils appliqueront précisément les termes du JCPOA, les États-Unis devraient lever les sanctions. Au cours des quatre dernières années, Trump a tenté de dépouiller le JCPOA de son contenu et d'imposer des sanctions qui resteraient fermement en place même si les États-Unis revenaient à l'accord. Par exemple, ils ont retiré notre Banque centrale et notre ministère du Pétrole de la liste de leurs sanctions nucléaires et les ont ajoutés à la liste des sanctions concernant les terroristes. Par conséquent, ils ont changé les titres des sanctions et la manière dont elles sont imposées.
Bien qu'Obama n'ait pas, lui non plus, pleinement honoré ses engagements, l'objectif de Trump au cours des quatre dernières années a été de détruire le JCPOA. Premièrement, les États-Unis devraient commencer à honorer leurs engagements. Le retour des États-Unis d’Amérique à l’accord nucléaire est une question secondaire. Le principal problème est que nos relations économiques avec les autres pays doivent être normalisées. Si vous regardez le JCPOA et la résolution 2231 des Nations Unies, l’engagement y stipulé, consistait à la normalisation des relations économiques de l’Iran avec le monde. Ce sont des relations qui se sont déstabilisées sans aucune raison juridique mais en raison des sanctions imposées par les États-Unis, l'Union Européenne et l'obéissance de nombreux pays aux États-Unis. Au cours des quatre dernières années, cette situation s'est poursuivie en raison des pressions exercées par Trump.
Interviewer: Les États-Unis et les pays européens devraient prendre certaines mesures pratiques afin de lever les sanctions. Quelles sont précisément ces mesures? Quels dommages nous ont été infligés en raison du retrait des États-Unis du JCPOA et comment peuvent-ils être compensés?
Dr Zarif: Les mesures pratiques incluent la normalisation des relations économiques de l’Iran avec le monde. Cela signifie une résolution à toutes les mesures que les États-Unis ont adoptées et qui ont limité la portée des relations économiques de l’Iran. En effet, nous n'avons rien à voir avec les États-Unis.
Cependant, si nous voulons entrer dans les détails, ils devraient supprimer les restrictions imposées à la vente de notre pétrole. Il y a des clients pour le pétrole iranien, mais les Américains ont empêché les clients d’acheter du pétrole iranien avec leurs méthodes qui impliquent intimidation et pression. Eh bien, cela devrait également être arrêté. Nos relations bancaires devraient revenir à leur état antérieur. Les contrats que nous avons passés avec diverses entreprises doivent être respectés et mis en œuvre. Nos courtiers bancaires devraient retrouver leur état antérieur. Ils devraient également éliminer les problèmes qu'ils ont causés à nos systèmes de transport et d'assurance.
En d'autres termes, ce qui existe dans la deuxième annexe du JCPOA met l'accent sur les résultats des actions entreprises. M. Biden n'est pas seulement obligé de signer un document. La signature est nécessaire, mais ce n'est qu'une des conditions nécessaires. La condition principale est que nous devons voir les résultats des actions américaines. Cela a été souligné dans le JCPOA, ainsi que dans les documents concernant les engagements de l'UE et des États-Unis. Ce que nous disons aux Européens au cours des quatre dernières années, c'est que, bien qu'ils aient signé certains accords et levé certaines sanctions, le peuple iranien n'a vu aucun résultat tangible. Ce que le peuple iranien voit à l’heure actuelle, c’est que certaines entreprises européennes ont quitté le pays. Ce sont les résultats dont nous parlons.
En ce qui concerne la question des compensations, le Guide suprême de la Révolution islamique a déclaré lors de ses rencontres avec nous et également dans ses discours publics que la question des compensations devrait être discutée dans les étapes ultérieures. Il doit vraiment devenir clair que le JCPOA n'est pas une porte tournante par laquelle vous pouvez entrer d'un côté et sortir de l'autre. Après tout, il existe certaines règles pour les relations internationales. Les actions américaines ont causé des pertes au peuple iranien. Par conséquent, dans les phases ultérieures, l'un des problèmes que nous aborderons certainement est les abus qu'ils pourraient essayer de commettre à nouveau, et nous voudrons donc empêcher que de telles mesures soient à nouveau adoptées par les États-Unis. Il ne faut pas oublier que 50 entreprises chinoises ont été sanctionnées par M. Trump au cours des quatre dernières années et que nos partenaires ont également subi des pertes. Ces pertes devraient également être compensées.
Interviewer: Une autre question soulevée dans les déclarations du Guide suprême de la Révolution et par d'autres responsables du gouvernement iranien concerne les engagements mutuels. Quelle est votre analyse de la récente mesure adoptée par le Parlement et l'administration iraniens? Quel plan le ministère des Affaires étrangères et l'administration ont-ils dans le domaine du rétablissement des engagements pris dans le cadre du JCPOA?
Dr Zarif: Après le retrait des États-Unis du JCPOA, nous avons entamé une procédure et nous avons déjà terminé deux phases de la procédure. En novembre 2018, nous avons écrit une lettre aux Européens en leur annonçant que nous leur avions donné une opportunité dans deux périodes distinctes [d'avril à novembre 2018, une période totale de plus de six mois,] et que s'ils ne trouvent pas de solution, nous commencerions à utiliser nos droits comme spécifié à la clause 36. Ils ont eu une autre opportunité de six mois supplémentaires qui a été prolongée jusqu'en mai 2019. Depuis lors, nous avons commencé à mettre en œuvre notre plan en cinq phases. Nous avons formulé et mis en œuvre ces cinq phases en coopération avec le Conseil suprême de surveillance pour la mise en œuvre du JCPOA, qui avait vu le jour sous les ordres du Guide suprême de la Révolution après la signature de l'accord nucléaire. Dans la cinquième phase, nous avons déclaré que nous n'accepterions plus aucune autre restriction du JCPOA, à l'exception de la supervision exercée par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
Cependant, non seulement ils n'ont pas honoré leurs engagements, mais ils les ont également violés. Bien sûr, nous avons toujours annoncé que si l’autre partie commençait à respecter ses engagements, nous retournerions aux nôtres parce que nous sommes un pays qui respecte la loi et qui honore ses promesses. Ces actions ont donc commencé en mai 2019 et ont progressé en cinq phases. La dernière phase a eu lieu au début de 2020, date à laquelle nous avons officiellement annoncé aux membres du JCPOA que nous ne respecterions plus nos engagements nucléaires. En d'autres termes, nous aurions pu commencer le processus d'enrichissement à 20% à l'époque et nous avions la capacité de le faire. Et nous avons donc commencé immédiatement après la ratification du projet de loi par l'Assemblée consultative islamique (le parlement iranien).
Interviewer: Un point mis en évidence dans les déclarations du Guide suprême était «Engagement pour engagement». Vous avez parlé des engagements de l’autre partie, mais quel est notre feuille de route pour d’éventuels engagements?
Dr Zarif: Comme je viens de le souligner, les déclarations publiques et privées du Guide suprême de la Révolution sont les mêmes. Il nous avait déjà dit la même chose. Sur la base de ses lignes directrices, nous avons mis en œuvre la politique «déclaration pour déclaration, signature pour signature et action pour action». S'ils souhaitent retourner au JCPOA et s'ils remplissent leurs engagements, nous remplirons également les nôtres. Si M. Biden signe un décret, nous le signerons également. Chaque fois qu'il le mettra en action, nous mettrons également en action le nôtre. Ce sont des étapes qui se sont complètement clarifiées, et ce ne sont pas que des ordres. Ce sont les États-Unis qui se sont retirés de l'accord et qui doivent respecter leurs engagements. Comme l'a déclaré le Guide suprême de la Révolution, le retour au JCPOA n'est pas la question principale. La question principale est plutôt le respect des engagements.
Je souhaite ajouter un autre point. Au cours des quatre dernières années, il a été prouvé qu'exercer des pressions ne fonctionnait pas contre l'Iran. Les Américains pensaient vraiment que la pression exercée sur l'Iran dans les termes précédents n'était pas suffisante, et c'est pourquoi ils ont qualifié leur politique de «politique de pression maximale». Ils pensaient que s'ils exerçaient une pression maximale, ce serait efficace. Si vous vous souvenez, en mai 2018, lorsqu'ils se sont retirés du JCPOA, M. Bolton - le conseiller à la sécurité nationale de M. Trump - a prédit que l'Iran ne célébrerait pas le 40e anniversaire de sa Révolution. Cependant, ils ont vu que notre peuple a non seulement célébré le 40e mais aussi le 41e anniversaire de la Révolution islamique. Et ils l'ont fait dans une solidarité complète. Et bientôt, ils vont célébrer le 42e anniversaire, si Dieu le veut. Jusqu'à présent, sept présidents américains ont tenté de faire pression sur l'Iran, mais ils ont tous échoué. Aujourd'hui, le monde entier dit que non seulement la «politique de pression maximale» a subi une défaite, mais qu'elle a subi une défaite vraiment désastreuse.
Interviewer: Si les deux parties du JCPOA souhaitent introduire de nouvelles conditions pour la levée des sanctions, quelle sera notre position?
Dr Zarif: Ils n'ont aucun droit de le faire. Tout d'abord, le JCPOA traitait essentiellement de la question nucléaire en Iran, et il n'avait rien à voir avec les missiles. Même si la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies a mentionné les missiles, cela signifie des missiles équipés d'ogives nucléaires. Lorsque l’Iran n’a pas d’armes nucléaires, les missiles équipés d’ogives nucléaires sont alors dénoués de sens. Par conséquent, ces propos ne sont pas pertinents. D'ailleurs, c'est l'une de nos lignes rouges. Deuxièmement, lorsque l’autre côté du JCPOA a vendu des armes d’une valeur de plus de 100 milliards de dollars à des pays de la région, ils ne sont pas en mesure de nous demander de renoncer à nos armes défensives. Lorsqu'ils ont soulevé cette question, nous leur avons dit que les missiles n'avaient rien à voir avec le JCPOA. Nous leur avons également demandé: « Êtes-vous prêt à arrêter de vendre vos armes aux pays de la région? Les pays de la région sont-ils prêts à porter leurs dépenses militaires au même niveau que celles de l’Iran? »
Les Américains ont un proverbe qui dit: « Ce qui est à moi est à moi, mais ce qui est à vous peut être négocié. » S'ils l'appliquent à d'autres, ils devraient se rendre compte qu'ils ne pourront jamais l'appliquer à l'Iran, qui est la plus ancienne nation du monde.