C’est de cette amitié entre Occident et Saddam dont parlait également le Guide suprême dans son discours du 9 avril 2020: « Cela s'est produit et bien sûr, ce jour-là, toutes les grandes puissances du monde ont soutenu et aidé Saddam. Certains de ces pays soi-disant civilisés et avancés, lui ont donné les substances et les armes chimiques, et jusqu'à aujourd'hui, aucun d'eux n'a répondu pour les crimes qu'ils ont commis à cette époque. Le criminel, Saddam, s'est comporté envers notre peuple et son propre peuple à Halabja, de la même manière, car il pensait que les habitants d’Halabja pourraient coopérer avec les soldats de la République islamique, il les a donc tués dans les rues de cette manière brutale. Ces choses se sont produites. »

L’étrange cas du génocide de Halabja : « Le boucher du Kurdistan » est le surnom d’Ali Hassan Al Majid, l'un des principaux instigateurs de l'opération militaire Al-Anfal en 1988, qui a provoqué la mort de 182 000 personnes parmi la population kurde et la destruction de plus de 90 % de leurs villages. Ce boucher a un autre surnom : « Ali le Chimique », et ce pour son rôle dans le bombardement aux armes chimiques les 17 et 18 mars 1988, ayant entraîné la mort de plusieurs dizaines de milliers de Kurdes à Halabja.  Cette même personne, homme de main et cousin de Saddam Hussein, et plutard son ministre de la Défense, ministre de l’Intérieur et chef des services de renseignement, avait déjà déclaré, le 26 mai 1987 (date à laquelle il était Secrétaire général du parti Baas), devant les responsables de ce parti: « Dès que nous aurons terminé les déportations, nous commencerons à les attaquer [les pershmergas] de partout. (...) Nous les encerclerons alors en petites poches et les attaquerons avec des armes chimiques. Je ne les attaquerai pas avec des armes chimiques juste un jour, je continuerai de les attaquer pendant quinze jours ».[2]

Ali Hassan Al Majid avait continué :« Je vais les tuer tous avec des armes chimiques ! Qui va dire quelque chose ? La communauté internationale ? » [3]

Il est malheureux de constater que « Le boucher, le chimique » avait raison : En dépit de l'immense émotion de l'opinion publique internationale, les alliés occidentaux de Saddam Hussein ont gardé un silence amer face au génocide de Halabja. Contradictoirement, Les États-Unis ont accordé un prêt d’un milliard de dollars à Saddam et se sont opposés aux sanctions contre ce pays. [4]

La France dont les Mirages était impliqués sur la scène de génocide, et peut-être mêmes ses produits chimiques (le Nouvel observateur), était réticente comme les autres et s’est contentée d'un bref communiqué condamnant « l'usage d'armes chimiques où que ce soit ».

Le cas de Halabja n’était pas le seul où Saddam a utilisé des armes chimiques. Entre 1983-1988, il a utilisé 572 fois des armes chimiques contre des villes iraniennes. Un million d'Iraniens ont été touchés, dont des centaines de milliers ont souffert de problèmes de santé graves, à cause des produits toxiques chimiques. Les mêmes produits chimiques fournis à Saddam par des entreprises occidentales, avec le feu vert de leurs gouvernements. Au cours des 6 années d'utilisation d'armes chimiques contre l'Iran, l'ONU est restée silencieuse, tout comme les États-Unis, l’URSS et les pays européens qui ont continué à vendre des armements de tout genre à Saddam Hussein.

 

[1]https://www.monde-diplomatique.fr/1998/03/NEZAN/3615

[2](Human Rights Watch, Génocide en Irak, p. 381)

[3]http://www.rfi.fr/actufr/articles/090/article_53228.asp

[4](Kendal Nezan, « Quand « notre » ami Saddam gazait ses Kurdes » [archive], sur Le Monde diplomatique, 1er mars 1998)