A l’occasion du 40ème jour de la mort en martyre du Général Qassem Soleimani, assassiné par une attaque terroriste ordonnée et exécutée directement par l’administration Trump, le 3 janvier 2020, le site Web KHAMENI.IR publie une partie de son interview avec Général Qassem Soleimani où il aborde  les causes et objectifs cachés et apparentes de la Guerre de 33 jours en 2006 [entre Israël et le Hezbollah].

L'intervieweur: Nous souhaiterions commencer la discussion en vous interrogeant au sujet des véritables raisons de la guerre de 33 jours, et en vous demandant de nous parler de la situation dans la région avant la guerre (de 2006). Les États-Unis sont entrés dans la région cinq ans avant cette guerre, en 2001, après l’événement du 11 septembre, et ont déclenché deux guerres en Afghanistan et en Irak. Notre première question pour vous est celle-ci : quels étaient les facteurs qui ont conduit à la guerre de 33 jours [entre Israël et le Hezbollah] ? Pourquoi cet évènement a eu lieu ?

 

 

Général Qassem Soleimani : Au nom Dieu, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.

Pour répondre à votre question, je dois dire que les principaux facteurs ayant conduit à la guerre de 33 jours avaient des causes cachées, qui étaient les véritables raisons de la guerre. Elle avait des causes apparentes et claires, qui n’étaient que des prétextes pour réaliser les objectifs secrets que l’entité [sioniste] cherchait à réaliser depuis un certain temps. Quand je dis qu’il y avait des causes cachées, c’est parce que nous avions quelques informations sur les préparatifs de l’entité sioniste, mais nous n’avions aucune information sur le fait que l’ennemi s’apprêtait à lancer une attaque surprise.

Plus tard, sur la base de deux circonstances, nous avons conclu qu’avant cette guerre, la décision avait été prise (par Israël) de déclencher une attaque surprise rapide pour liquider le Hezbollah. Cette guerre s’est produite dans des circonstances où deux événements importants ont eu lieu, l’un concernant toute la région et l’autre concernant exclusivement l’entité sioniste.

En ce qui concerne notre région, à la suite des incidents du 11 septembre, les États-Unis avaient massivement augmenté la présence de leurs forces armées dans notre région. Une telle concentration d’effectifs et d’équipements ne se retrouve que pendant la Seconde Guerre mondiale, quoique uniquement en termes de quantité ; car en termes de qualité, leur force était supérieure à tout ce qui avait précédé, y compris à celle de la Seconde Guerre mondiale.

En 1991, suite de l’action militaire de Saddam (Hussein) contre le Koweït, la première attaque américaine a eu lieu, et cette invasion américaine et la défaite de Saddam ont laissé des forces militaires dans notre région, conduisant à l’installation de bases militaires américaines permanentes.

Mais après le 11 septembre, en raison des deux grandes invasions militaires menées par les États-Unis (en Afghanistan et en Irak), environ quarante pour cent des forces armées à la disposition des États-Unis sont entrées directement dans notre région ; et plus tard, graduellement, à la suite des changements et des relèves effectuées, même des forces de réserve et d’appoint, ainsi que la garde nationale, se sont retrouvées impliquées. C’est-à-dire qu’environ soixante pour cent de l’armée américaine, que ce soit des forces internes ou extraterritoriales, ont été déployées dans notre région (à un moment ou à un autre). Par conséquent, leur présence était très dense dans une zone limitée : rien qu’en Irak, il y avait plus de 150 000 soldats, et plus de 30 000 militaires américains étaient présents en Afghanistan. Sans parler des forces de la coalition qui étaient environ 15 000 en Afghanistan. Ainsi, une force de 200 000 membres, spécialisée et entraînée, était présente dans notre région, juste à côté de la Palestine. Cette présence a naturellement fourni des opportunités à l’entité sioniste. Autrement dit, la présence des États-Unis en Irak était un obstacle au dynamisme des Syriens en Syrie, ainsi qu’une menace pour le gouvernement syrien et une menace pour l’Iran. Donc, si vous regardez la position géographique de l’Irak, vous verrez que pendant la guerre de 33 jours (guerre de 2006), les États-Unis ont placé un obstacle dans ce pays (Irak) qui reliait les deux principaux pays de l’Axe de la Résistance (Iran & Syrie) ; un obstacle composé d’une force armée de 200 000 hommes, de centaines d’avions et d’hélicoptères, ainsi que de milliers de véhicules blindés.

Cela a naturellement fourni l’occasion à l’entité sioniste de profiter de cette situation et de prendre une mesure (offensive). La grandeur [de la machine de guerre américaine] aurait soi-disant effrayé l’Iran, et effrayé et paralysé la Syrie, de sorte que ces deux gouvernements n’allaient pas réagir (c’est du moins ce qu’ils croyaient). Sur la base de cette hypothèse, l’entité sioniste a trouvé que la situation était appropriée pour prendre une telle mesure (offensive), en particulier en raison de l’approche de l’administration Bush fils, une administration faucon qui prenait rapidement des décisions fatidiques, en particulier la faction dominante à la Maison Blanche, qui soutenait farouchement l’entité sioniste. Israël a donc considéré la situation propice pour prendre une telle mesure (l’agression contre le Liban).

La racine principale de cette guerre réside donc dans le fait que l’entité sioniste cherchait à tirer parti de la présence militaire des États-Unis dans la région, de la chute de Saddam, de la victoire initiale des États-Unis en Afghanistan, et de la peur que les États-Unis avaient supposément insufflée dans la région, en inscrivant un large éventail de groupes politiques de la région et du monde sur la liste des groupes terroristes, parce qu’ils étaient considérés comme s’opposant aux politiques américaines. L’entité sioniste voulait saisir ces opportunités, pensant que c’était la meilleure opportunité pour déclencher une guerre décisive, parce que le régime israélien avait subi une défaite en 2000 et s’était retiré du Liban. En vérité, c’était plutôt une débâcle humiliante qu’une retraite à proprement parler. Le Hezbollah l’avait vaincu. Ainsi, Israël a voulu y retourner (pour se venger), non pas pour occuper le Liban, mais plutôt pour le détruire et modifier la démographie du sud du Liban.

Cela a été révélé pendant la guerre, presque au tout début de la guerre que l’objectif principal était de changer complètement la démographie afin que les personnes vivant dans le sud du Liban, qui avaient des liens religieux avec le Hezbollah, soient expulsées et exilé du sud-Liban. Le régime israélien a cherché à mettre en œuvre le même plan que ce qui est arrivé après 1967 aux Palestiniens du sud du Liban, à savoir forcer les populations à évacuer et à s’installer dans des tentes et de divers camps de réfugiés au Liban, en Syrie et dans d’autres pays arabes. Même Arafat a été contraint de délocaliser son principal lieu d’activité du Liban en Tunisie, au Maghreb, devenant de fait une organisation déplacée. La même perspective était envisagée à propos de la communauté chiite du Liban.

Maintenant que j’ai expliqué tout cela, je vais passer de l’arrière-plan, avant la guerre, à la période de la guerre elle-même pour expliquer complètement le sujet.

À ce sujet, il y a deux déclarations importantes des États-Unis et des responsables israéliens. Au début de la guerre, Bush a utilisé des mots vulgaires, mais les mots qu’il a utilisés sont à son niveau, et je ne m’abaisserai pas à les répéter. Rice (secrétaire d’état américain de l’époque) a utilisé des mots plus polis que je reprends. Elle a dit cela lorsque le massacre et les hurlements culminaient dans le sud du Liban. Les bombardements manifestaient la plus grande intoxication par la technologie ; par la précision de la technologie, ils ont bombardé et effacé toutes les zones qu’ils souhaitaient éradiquer. De tels crimes de masse ont été commis qu’ils ont fait oublier le massacre de Cana (de 1996). Rice a utilisé ces mots ; elle a utilisé une analogie, décrivant les hurlements, avec des mots explicites, comme « la douleur de l’accouchement pour donner naissance à un nouveau Moyen-Orient ». Elle a établi une analogie entre les cris des enfants, des femmes et des innocents sous les décombres et la douleur du travail pour réaliser un événement majeur. Ces remarques indiquaient donc qu’un grand projet était en cours.

Mais quant à l’entité sioniste, elle avait préparé un immense camp et un certain nombre de bateaux. Le camp était prévu pour transférer initialement les personnes capturées, autant que possible, dans un camp à l’intérieur de la Palestine occupée, qui était prévu pour héberger jusqu’à 30 000 personnes. Ensuite, ils avaient prévu de les trier pour envoyer ceux qui étaient des civils ordinaires dans d’autres endroits, et enfermer ceux qui étaient considérés comme des criminels (selon eux) ou qui avaient des affiliations organisationnelles avec le Hezbollah. Ils avaient préparé des navires pour la migration des populations.

Par conséquent, contrairement aux autres guerres qui affectent toute la population de manière indiscriminée, cette guerre a été menée avec la précision permise par la technologie, c’est-à-dire que la guerre a ciblé une seule communauté pour la contraindre à l’exil. Au début, ils ont essayé de se limiter à un seul parti, à savoir le Hezbollah. Plus tard, ils ont élargi leur cible pour inclure toute la communauté chiite du sud du Liban, afin de changer complètement la démographie du sud.

Ils l’ont eux-mêmes avoué plus tard, quand Ehud Olmert et plus tard le ministre de la Défense et le chef de l’armée israélienne, ont déclaré qu’ils avaient depuis longtemps planifié une attaque-surprise. Si cette attaque surprise avait eu lieu, une grande partie de la structure du Hezbollah aurait pu être éliminée par une frappe aérienne massive. Dans un premier temps, le Hezbollah aurait subi de graves dommages sur au moins 30% de son organisation. Au cours des étapes suivantes, ils visaient ensuite à une destruction totale du Hezbollah.

Un autre point qui mérite une attention très particulière, c’est la volonté des pays arabes du Golfe de soutenir Israël dans une telle guerre pour déraciner le Hezbollah ou la communauté chiite du sud du Liban. Cela a été mentionné par les plus hauts dirigeants de l’entité sioniste, à savoir Ehud Olmert, le chef de cette entité. Il a dit que pour la première fois, les pays arabes ont soutenu Israël dans sa guerre contre une organisation arabe. Par les États arabes, il n’entendait pas tous les pays arabes, mais plutôt les pays du bassin du golfe persique, l’Arabie saoudite, à leur tête. L’Égypte était également incluse ; Pourtant, nous pouvions alors trouver quelques exceptions. Vous savez que l’Irak n’avait pas de souveraineté à cette époque ; le chef de l’Irak était un chef militaire américain, donc l’Irak était gouverné par les États-Unis. Le gouvernement syrien était encore un jeune gouvernement, en raison du décès de Hafez al-Assad, et venait de prendre les choses en main. De Toute façon (selon Olmert) pour la première fois, la plupart des pays arabes soutenaient Israël dans la guerre contre une organisation arabe. Les propos qu’Olmert a tenus révèlent une réalité majeure et importante.

Par conséquent, nous devons considérer trois causes derrière les objectifs cachés de la guerre de 33 jours. Premièrement, l’opportunité offerte par la présence et la domination des États-Unis en Irak, et la peur et l’intimidation que la présence massive des États-Unis avait suscitée dans la région. Deuxièmement, la volonté des pays arabes et leur coopération discrète avec l’entité sioniste dans sa guerre pour éradiquer le Hezbollah et changer la démographie dans le sud du Liban. Troisièmement, les objectifs poursuivis par l’entité sioniste en profitant de cette opportunité pour se débarrasser une fois pour toutes du Hezbollah. Ces trois facteurs représentaient les principaux objectifs ou intentions cachées qui ont joué un rôle crucial dans les racines de cette guerre.

 

L’intervieweur : Vous avez décrit avec précision les causes et objectifs cachés de cette guerre. Pourriez-vous également nous parler plus en détail des raisons apparentes que vous avez évoquées ? Sous quels prétextes la guerre a-t-elle été déclenchée ?

Général Soleimani : En ce qui concerne les facteurs apparents, la raison principale était l’engagement du Hezbollah auprès du peuple libanais. Aucune autre puissance, à part le Hezbollah, ne pouvait s’engager à libérer les jeunes Libanais capturés et emprisonnés par l’entité sioniste. Sayed [Hassan Nasrallah] l’a promis dans l’un de ses discours, affirmant que le Hezbollah libérerait assurément les prisonniers libanais des geôles sionistes, comme il l’avait fait précédemment. Le peuple libanais n’avait aucun espoir ni refuge en dehors du Hezbollah pour libérer ses prisonniers, qu’ils soient druzes, musulmans ou chrétiens ; et c’est toujours le cas aujourd’hui. En tout état de cause, le Hezbollah est le principal refuge du peuple libanais pour se défendre contre les agressions et la barbarie de l’entité sioniste. Donc Sayed a fait ces remarques. Lors des précédents échanges de prisonniers, Israël avait refusé de libérer les principaux prisonniers libanais, dont certains étaient des adolescents (au moment de leur capture) ; et ces adolescents ont passé leur vie en prison et sont devenus de jeunes adultes ou des hommes d’âge moyen.

Le Hezbollah a promis de les libérer ; mais cela n’a pas été réalisé lors du précédent échange [de prisonniers de 2004], car Israël a refusé de les libérer. Par conséquent, afin de tenir sa promesse au peuple libanais, le Hezbollah s’est engagé dans une opération visant à réaliser l’échange souhaité, qui a fini par réussir.

 

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Une opération spéciale a donc été effectuée et dirigée par le martyr Imad Mughniyeh. Je ne sais pas quel titre peut le décrire ; je me demande si je peux utiliser le titre de Général, qui est devenu populaire aujourd’hui.  Les titres « Général » et « Brigadier-Général » sont souvent utilisés dans notre pays. Mais, il était au-delà de ces titres ; c’était un Général, au vrai sens du terme. Il était un Général avec les caractéristiques les plus similaires à celles de Malik al-Ashtar (commandant de l’armée de l’Imam ‘Ali) sur le champ de bataille.

Lors de son martyre, j’ai ressenti le même sentiment que l’Imam Ali (a.s.) lors du martyre de Malik al-Ashtar (assassiné sur ordre de Muawiya). Tout l’Axe de la Résistance avait ce sentiment. L’Imam Ali a été affligé et attristé par le martyre de son fidèle lieutenant Malik. Et il a pleuré en prononçant un fameux discours en chaire rapporté dans les livres d’Histoire, où il a dit : « Quel homme extraordinaire était Malik ! Par Dieu, s’il avait été une montagne, il aurait été immense, et s’il avait été une pierre, il aurait été très dur ; aucun cavalier n’aurait pu atteindre son sommet, ni aucun oiseau le survoler. Sachez que la mort de Malik a rendu un monde triste (celui des croyants) et un monde heureux (celui de Muawiya). Le décès d’un homme comme Malik devrait être un jour de deuil où les hommes se lamentent. Y a-t-il un compagnon comme Malik ? Les femmes accoucheront-elles d’enfants qui deviendront comme Malik ? » Ce propos de l’Imam Ali (a.s.) était très important. Il a également dit : « Malik était pour moi ce que j’étais pour le Messager de Dieu (SAWA). »

Il en allait de même pour la mort d’Imad Mughniyeh. Autrement dit, Imad pourrait être décrit de la même manière (que Malik) pour la Résistance, comme je l’ai mentionné. Si je veux aller au-delà de notre façon conventionnelle de décrire les individus, j’utiliserais la même phrase que l’Imam Ali (a.s.) a utilisée pour Malik. Il a dit : « Les femmes devraient encore enfanter, afin qu’un être aussi exceptionnel que Malik puisse naître de nouveau. » Imad avait une personnalité similaire (à celle de Malik al-Ashtar).

De même qu’il avait dirigé avec succès de nombreuses batailles difficiles, il a organisé cette opération avec succès, la supervisant et dirigeant de près. Son opération a réussi. Il a réussi à attaquer un véhicule de l’entité sioniste à l’intérieur des terres occupées et a capturé deux blessés à l’intérieur du véhicule. Cette opération n’était pas une opération d’une journée ; il s’agissait plutôt d’une opération de plusieurs mois au cours desquels le régime israélien et les mouvements de ses troupes à la frontière étaient constamment surveillés. Sur la base d’un plan élaboré par Sayed Hassan Nasrallah en tant que commandant en chef de la Résistance au Liban et Imad Mughniyeh en tant que chef des opérations de djihad (combat) du Hezbollah, des mesures (opérationnelles et de sécurité) avaient été prises avant cette opération car elle était très importante. Mais puisque ce n’est pas le sujet de notre discussion, il n’est pas nécessaire de les aborder.

L’opération contenait en elle-même plusieurs opérations, et non une seule ; il y avait quatre opérations spéciales distinctes. Il s’agissait d’abord de planifier l’opération. Deuxièmement, il fallait déterminer le moment et le lieu de l’attaque. La troisième étape consistait à dépasser les vastes, denses et hauts murs barbelés de l’entité sioniste, et à parvenir à l’intérieur de ses terres (usurpées) ; parce que l’opération ne consistait pas seulement à frapper un point. Ils ont dû franchir la frontière, atteindre le véhicule touché et s’emparer des prisonniers. Et chaque opération devait être effectuée si soigneusement que les personnes à l’intérieur des chars ne seraient pas tuées. Le quatrième point était que l’opération devait être menée très rapidement : pas en 15 ou 30 minutes, mais en quelques minutes ou secondes. Ils devaient déplacer très rapidement les captifs vers un endroit sûr avant que l’ennemi ne puisse les atteindre. Habituellement, l’ennemi est à une distance de quelques minutes du lieu de l’opération. Je parle de la force terrestre ; car pour l’armée de l’air, cela peut prendre encore moins de temps, bien sûr, et l’ennemi les atteindrait très rapidement. Il fallait donc planifier tout cela très précisément. L’une des caractéristiques d’Imad Mughniyeh était sa minutie et son attention aux détails. Par conséquent, comme il concevait habituellement lui-même les opérations de très près, l’élaboration du plan a été faite par lui, de même que sa mise en œuvre. Et Imad est sorti victorieux […]