Au nom de Dieu le très Miséricordieux, le tout Miséricordieux

[...] J'ai quelques points à dire au sujet de la Révolution constitutionnelle :
Le rôle des ulémas à l'époque de la Révolution constitutionnelle, n'est pas comparable avec celui des autres personnes. Dans les années qui ont précédé cette révolution et qui coïncident avec le règne de Mozafar-o-din Shah Qadjar, nous sommes témoins de la création de plusieurs communautés clandestines et de l'organisation de différentes réunions auxquelles assistaient en même temps, des ulémas et des intellectuels non-religieux, et qui ont exercé une influence sur la Révolution. Mais la Révolution ne s'est pas réalisée grâce à ces assemblées mais grâce à l'intervention active du peuple qui a lancé une Révolution qui n'était réalisable que grâce aux efforts et à l'influence des ulémas. En d'autre terme, sans les Fatwas d'ulémas comme le défunt Akhond, Acheikh Abdollah Mazandarani et leurs confrères, ce mouvement n'aurait pas abouti d'autant plus que, même dans les milieux intellectuels, les ulémas avaient la plus grande influence...

Par conséquent, on ne peut pas nier le rôle des ulémas ni le comparer à celui d'autres intellectuels, personnalités influentes et hommes d'état qui sont intervenus par la suite.

En examinant le rôle des ulémas, nous constaterons qu'ils étaient très actifs même avant la Révolution, notamment dans les mouvements anticolonialistes. En réalité, l'aspect anticolonialiste et antidictatorial des ulémas constituait un aspect saillant de leur combat. Par exemple, nous pouvons citer la Fatwa de Mirza Chirazi ou l'intervention de Mollâ Ali Khani, dans l'affaire de Reuter.

Quelle est la conclusion qu'il faut tirer de ce prologue ? La conclusion est qu'ignorer le caractère anticolonialiste de la Révolution constitutionnelle est ignorer son essence et son identité [...]

Jetons un regard sur cette Révolution constitutionnelle qui s'étend de 1285 à 1299 (dans le calendrier iranien), c'est à dire sur quatorze ans. Monsieur Hadad a estimé cette période à dix-neuf ans, en comptant apparemment les premières années du règne de Reza Pahlavi, alors que son règne débute en fait, avec le coup d'état de 1299 qui marque le début de la dictature des Pahlavi ...

A quelle époque de l'Histoire de l'Occident correspondent les interventions anglaises et leurs intrusions dans le mouvement constitutionnel ? C'est l'époque où l'Occident a atteint le sommet de la civilisation et du développement scientifique et politique [...]

Qu'ont-ils fait durant ces quatorze années ?
Tout d'abord, ils ont profité des changements et des revendications de justice que leurs agents avaient repérées dans pays, et les ont habilement contrôlées. L'une de leurs premières tentatives consistait à débarrasser ce mouvement de ses tendances religieuses et nationales qui constituaient ses principaux aspects, en profitant du désordre qui régnait dans le pays à l'époque, et dont les inspirateurs étaient, comme le rapportent de nombreux témoignages, Kasravi, en ce qui concerne les incidents au Nord-Ouest du pays, et les Anglais qui préparaient le terrain à l'instauration d'un régime totalitaire totalement à l'opposé des revendications de la Révolution Constitutionnelle. Ils portèrent au pouvoir ce despote (Reza Pahlavi) et, en quatorze ans, transformèrent le régime dictatorial, remis en cause par un mouvement nationaliste et islamique, en un régime despotique cette fois-ci inébranlable [...]

Bien entendu, je n'ai pas l'intention de renier l'importance de la Révolution constitutionnelle dont les Messieurs ont parlé, dans l'Histoire de notre pays. Cela a été un évènement important comme beaucoup d'autres évènements provoqués à l'origine par des ennemis et qui au fil du temps, tournent au profit du peuple. Dans le cas de la Révolution constitutionnelle, c'est l'inverse qui s'est passé quand la révolution amorcée par le peuple, a été exploitée par l'ennemi [...]

Soyez donc fiers de la Révolution constitutionnelle et considérez-la comme une des grandes gloires de notre Histoire. Mais la vérité de ce mouvement est ce que nous avons vu. Examinons maintenant le mouvement des ulémas, sur lequel à mon avis, nous n'avons pas assez travaillé et sur lequel nous devons nous appuyer.

Le premier point est la revendication de justice des ulémas dont la demande concrète était la fondation d'une « maison de justice ». Ce n'était pas une simple revendication morale qui ne nécessite pas tans d'émeutes et de vacarme, et qui a toujours été la demande des religieux et des personnalités de la société qui exhortaient le peuple d'un côté et les monarques de l'autre, à plus de justice. Ces émeutes, ces grèves, ces sacrifices et cette opposition au régime dépassaient une demande purement morale. Les gens exigeaient quelque chose de supérieur.

La justice dont il était question était une justice au niveau du gouvernement, l'interlocuteur était l'Etat lui-même [...]

Le troisième point est que les manifestants demandaient la mise en place d'un organisme capable d'appliquer la justice dans le pays, et qu'ils avaient baptisé "maison de justice". Bien entendu, les conceptions, au début, étaient assez différentes et assez floues, et on entendait des avis différents [...] nous ne prétendons pas que des ulémas et les religieux réclamaient exactement la même chose que ce qui existait déjà chez les Occidentaux, non, ils souhaitaient la mise en place d'un organisme légal capable de contrôler et de surveiller le roi et la hiérarchie étatique, pour que la justice soit assurée dans le pays. [...]

Le dernier point à ce sujet, est que les critères de cette justice étaient les lois islamiques. En d'autres termes, les gens réclamaient une justice islamique. Il n'y a aucun doute sur ce sujet car ils l'ont proclamé à maintes reprises. Le peuple demandait que les articles et les lois islamiques soient insérés dans la Constitution. Comme vous le savez, les Anglais ont profité de cette vague pour prendre le contrôle de ce mouvement qu'ils ont orienté, du mausolée d'Abdoul Azim vers l'ambassade d'Angleterre, en le transformant en mouvement constitutionnel dans le sens précis où l'entendaient ces conspirateurs !

Les intellectuels occidentalisés ont été les premiers à se laisser influencer. Bien entendu, l'arrivée au pouvoir les incitait aussi et dire que les intellectuels de l'époque qui sont célèbres dans l'Histoire et que vous venez de citer, cherchaient uniquement la mise en place d'un régime constitutionnel sur le modèle occidental, sans y avoir aucune place, n'est pas vrai. Ils exigeaient leur part du pouvoir et faisaient beaucoup d'efforts pour cela (...) d'autres parts, des personnalités influentes et certains hommes d'Etat sont intervenus peu à peu dans cette affaire. Cela s'est passé ainsi.

Parallèlement à ce sujet, une autre question qui me semble importante est de savoir comment les Occidentaux et surtout les Anglais, ont réussi dans cette affaire. Comment ont-ils réussi alors que le peuple, qui était le principal acteur, aurait pu rester à la disposition et à l'écoute des Ulémas, et ne pas permettre que le Cheikh Fazlollah soit ainsi pendu en public ? La réponse à mon avis, est qu'ils ont réussi à tromper certains dirigeants du mouvement de recherche de justice, qui étaient en grande partie des religieux et des Ulémas, en dissimulant la vérité pour créer des divergences [...].

En me penchant sur notre Révolution islamique, je remarque le grand art de l'Imam Khomeiny qui n'est pas tombé dans cette erreur. C'est la base de sa démarche. Il n'a pas commis l'erreur de perdre ses objectifs et d'oublier ses paroles par peur de la répression ou stimulé par des slogans étrangers. Cela est la principale raison de la réussite de l'Imam. Il s'est avancé droit vers le but et de façon directe. Malheureusement, les hauts membres du clergé, impliqués dans la Révolution constitutionnelle, n'ont pas bien mené le mouvement et sont tombés dans une erreur qui a été ensuite, à l'origine de désaccords. Les Anglais ont profité de l'occasion pour prendre en main le pouvoir, et plus rien n'était alors possible.

J'ai remarqué que les mêmes événements se sont passés en Irak [...] Pendant trente huit ans, de 1920 à 1958, ils ont exercé des pressions terribles sur l'Irak qui font pleurer, par le biais de groupes irakiens, en massacrant le peuple, en l'intimidant, en pillant le pays, en le gardant en arrière et en infligeant toutes sortes de malheurs à la nation irakienne.

C'était aussi le cas dans notre pays où ils sont venus avec une propagande alléchante qui a trompé certains. Si nous voulons tirer leçon de l'expérience de la Révolution constitutionnelle, nous ne devons pas refaire la même erreur, nous devons viser carrément et sans aucun détour, un seul objectif qui est la Révolution islamique.

Bien entendu, il faut tenir compte des circonstances mais cela ne signifie pas qu'il faut oublier les objectifs et suivre des slogans étrangers.

J'insiste sur la question de l'historiographie de la Révolution Constitutionnelle dont j'ai parlé et sur laquelle nous discutons depuis plusieurs années, avec des amis. Nous avons absolument besoin d'une Histoire documentée, forte et claire, qui puisse mettre en lumière cette période [...] En effet, nous n'avons pas encore une Histoire complète de la Révolution constitutionnelle, alors que des textes et des écrits épars comme les notes de Nazem-ol-islam existent et sont lus, et conduisent à des interprétations pour la plupart erronées.