Au nom de Dieu le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux

Je vous souhaite sincèrement la bienvenue...

Cette réunion est une occasion fort précieuse qui non seulement me permet de recueillir des vérités sur de nombreuses questions concernant l'art et la communauté des artistes, de leur propre bouche, mais aussi prouve, malgré ce que disent certains, que la culture et l'art ne sont absolument pas en marge de la société, mais au sein de celle-ci. Votre présence, les longues discussions que nous avons eues ensemble ainsi que vos interventions en sont la preuve. En tout cas, je suis très content que cette occasion se soit présentée.

Tout ce que nos amis artistes viennent de dire et ce qui se cache parfois derrière leurs paroles, sont des questions essentielles auxquelles je dois, sans aucun doute, apporter mon concours.

La question de l'art et des artistes est délicate et sensible, avec des frontières difficiles à tracer. Mais si l'on ne prête pas attention à ces frontières, il est possible que nous commettions de graves erreurs et que nous n'agissions pas comme il le faudrait. Cela nous concerne nous et non les limites que l'artiste doit respecter, cela est une autre question. Pour nous qui sommes confrontés, dans la gestion du pays, à cette question, c'est à nous de bien connaître ces limites pour pouvoir juger et agir de manière correcte.

Chaque artiste représente un univers et cela est dans la nature de l'art. Si on se met à son écoute, il nous ouvrira les portes d'un monde rempli d'émotions et de beauté, un mélange de joies et de chagrins, de rêves, de tourments et d'idéaux. L'art est une chose précieuse dont la valeur ne vient pas de son attrait pour les yeux et le cœur - beaucoup de choses en dehors de l'art peuvent les séduire- non, c'est un don divin. La nature de l'art, quel que soit son genre, est divine. Bien que les expressions de l'art soient diverses, elles ne représentent pas toute la vérité de l'art. Avant l'expression artistique, il existe une notion, un concept artistique, qui constitue l'essentiel. Une fois cette beauté, cette subtilité, cette vérité ressentie, il est possible d'en tirer mille thèmes inaccessibles aux amateurs. C'est grâce à cette inspiration et cette lumière de l'art, qui brille dans le coeur de l'artiste, qu'il peut révéler certaines vérités et certaines finesses. Seul l'art véritable est le fruit d'une conception, d'une réflexion et d'une transmission.

L'art est un don divin et une vérité subtile. Celui qui possède cette faculté divine, comme bien d'autres, doit se sentir chargé d'une grande responsabilité. Les dons divins impliquent des devoirs qui ne sont pas forcément religieux. Il y en a beaucoup qui sortent du cœur. Vous avez des yeux dont certains sont privés. A part les plaisirs et les possibilités que vous en tirez, vous avez un devoir comme le dit le poème : « Lorsque tu vois, tu vois l'aveugle et le puits... » ; ce devoir découle de notre faculté de voir. Il n'est pas nécessaire que la religion nous le dise ou qu'un verset coranique nous soit révélé à ce sujet. Cela se comprend naturellement. Il n'y a personne qui ne reprochera pas au riche, même s'il a tout gagné à la sueur de son front, d'être indifférent, arrogant et d'humilier les pauvres. S'il vous répond qu'il a gagné ces richesses de ses propres mains et qu'elles lui appartiennent, vous n'accepterez pas ce raisonnement. S'il existe une richesse, un don ou des bénéfices, ils impliquent une série de devoirs.

L'art n'est pas un don gagné à la sueur du front. Sans talent, même si vous faites tout votre possible, vous resterez toujours un débutant. Ce talent n'est pas le fruit d'un travail mais un don. C'est Dieu qui donne ce don bien qu'il dépende aussi de la société, de la famille, de l'environnement et d'autres conditions. C'est vous qui avez travaillé mais c'est Lui qui vous a offert l'occasion et la volonté de travailler pour développer en vous ces aptitudes artistiques.

Certains considèrent « l'art engagé » comme une contradiction disant que l'art exige une liberté de pensée alors que le terme « engagé » implique une idée d'appartenance. Cela est une erreur car la responsabilité et l'engagement concernent l'être humain avant de concerner l'artiste. Un artiste est un être humain avant être artiste et aucun humain n'est dispensé des responsabilités qui lui incombent de nature. La première est une responsabilité vis-à-vis des autres. Il est vrai que l'être humain a des responsabilités face à la terre, la nature et le ciel, mais sa responsabilité la plus importante est celle qu'il a vis-à-vis des autres. L'artiste, lui, à cause de ses qualités particulières a d'autres engagements dont j'ai parlé tout à l'heure.

L'artiste a autant de responsabilités dans la forme de son art que dans son contenu. Une personne douée d'un sens artistique ne doit pas se satisfaire d'idées terre-à-terre. C'est un devoir. Un artiste paresseux qui n'essaie pas de progresser dans son travail ni d'utiliser son talent, n'a pas assumé ses responsabilités vis-à-vis de la société. L'artiste doit toujours faire ses efforts. Il est possible qu'il atteigne un niveau où il ne peut plus avancer, pas de problème ici, mais il doit faire tous ses efforts pour atteindre la perfection. Cet effort dans le travail artistique ne peut se faire sans amour, sans enthousiasme et sans passion, cet amour est aussi une responsabilité, une main qui pousse au travail et qui nous protège de la paresse.

Quant à l'engagement par rapport au contenu il faut savoir ce que nous voulons présenter. Si l'être humain est respectable, son cœur et sa pensée doivent l'être également. On ne peut pas présenter au public n'importe quoi, simplement parce qu'il est là à nous écouter. Il faut savoir ce que nous avons l'attention de lui apporter. Mais les questions du genre « rejoindre tel groupe politique ou non», dont on entend parler, doivent être résolues avant cela. Ce genre de chose ne vaut pas la peine d'être discuté. Il faut plutôt parler de morale et de perfection. J'ai lu une citation de Roland Barthes, qui disait, si je ne me trompe pas, qu'une entreprise artistique est composée d'1% d'art et de 99% de morale, par précaution, pour éviter de déformer la citation, je dirais 10% d'art et 90 % de morale mais il me semble que cette idée n'est pas correcte. A mon avis, je dirais 100% d'art et 100% de morale. Les deux vont de paire. Une œuvre d'art doit se faire avec un maximum de créativité artistique et un maximum de transcendance et de positivité. Certains ont raison de s'inquiéter qu'en matière d'art, la morale soit sacrifiée et la perfection morale reléguée, sous prétexte de liberté d'expression ou de liberté artistique. Ils ont raison, cela est très important. Nous pouvons donc déduire que « l'art engagé » est une expression correcte.

L'artiste doit s'engager vis-à-vis d'une vérité, mais laquelle ? Le fait qu'un artiste détienne un niveau de raisonnement pour voir et /ou connaître tout ou une partie de cette vérité est une autre question. Plus le niveau de raisonnement est haut plus la qualité de la compréhension et la subtilité artistique sont hautes. Hafiz n'est pas seulement un poète, ses vers reflètent aussi une excellente connaissance qui ne s'acquiert pas uniquement parce qu'on est artiste, et qui exige un arrière-plan philosophique et intellectuel. Une très haute intelligence et de hautes pensées doivent supporter l'expression artistique et sa mise en œuvre. Tous les gens ne sont pas du même niveau, on ne doit pas attendre cela d'ailleurs. Cela concerne toutes les disciplines artistiques et les différentes branches des beaux arts, l'architecture, la peinture, le dessin, la sculpture, le cinéma, le théâtre, la poésie, la musique et d'autres disciplines. Vous pouvez tomber sur un architecte très intelligent ou un autre qui n'a aucune logique. Si ces derniers dirigent la construction d'un bâtiment, nous aurons deux plans différents. Si une ville est bâtie par ces deux architectes, les deux parties seront complètement distinctes. En tout cas, l'engagement et le sens des responsabilités sont indispensables.

L'art engagé et responsable, est une réalité qu'il faut reconnaître. Il est impossible de réussir dans une activité artistique sans engagement ni direction précise, ni dans la routine et l'indécence, et même parfois dans la malséance et la corruption. La joie qui envahit un artiste est différente des autres joies et n'existe que chez les artistes, elle apparaîtra s'il sait ce qu'il cherche et ce qu'il veut faire. Dans ce cas, il faut prêter attention à la morale humaniste, aux vertus morales et aux valeurs religieuses et divines.

L'autre point concerne l'art religieux. Sachez que l'art religieux ne peut être hypocrite et n'exige pas toujours un lexique religieux. Il est possible qu'un art soit spirituel à cent pour cent et que son langage soit courant et n'ait rien de religieux. Il ne faut pas croire que l'art religieux doit automatiquement présenter une histoire religieuse ou parler d'un sujet religieux comme la vie des religieux par exemple. Cet art doit pouvoir propager, immortaliser et inculquer dans les pensées, les connaissances que toutes les religions, et en particulier l'islam, ont apportées aux hommes, et pour lesquelles tant de gens ont été sacrifiés. Ce sont les hautes connaissances religieuses, des vérités pour l'enseignement desquelles tous les Messagers de Dieu ont beaucoup souffert. Il n'est pas question de rester les bras croisés et indifférents aux efforts de ces grands hommes, les Prophètes, les bienfaiteurs et les combattants dans la voie de Dieu. L'art religieux est celui qui propage ce message et présente la justice comme une valeur, même si vous ne faites aucune allusion à la religion, à un verset coranique ou un Hadith sur la justice. Il n'est pas nécessaire d'intégrer des noms ou des symboles religieux au scénario d'un film ou d'une pièce de théâtre, pour lui donner un caractère religieux, absolument pas. Si vous pouvez présenter les propos les plus éloquents au sujet de la justice, ce sera de votre part, l'expression d'un art religieux.

Ce qui est le plus significatif dans l'art religieux, c'est qu'il n'est pas au service des passions, de la violence, de la corruption et de l'anéantissement de la nature humaine et sociale. Notre société s'est retrouvée avec la Révolution islamique. Elle a retrouvé sa véritable identité. Traités comme des éléments de second ordre, nous étions perdus dans le tourbillon des événements mondiaux. La Révolution nous a réanimés, nous a redonné une identité. La révolution nous a appris qu'un peuple peut prendre position sur les questions internationales les plus capitales, les déclarer et s'y tenir, sans tenir compte de l'avis des superpuissances. C'est cela qui fait la valeur d'un peuple sur la scène internationale, et non pas un suivisme aveugle, surtout quand il s'agit en plus de l'imitation des aspects négatifs des autres. La soumission absolue aux grandes superpuissances, aux pays riches, aux pays impérialistes, est un pas vers l'autel du sacrifice. C'est ce que la Révolution nous a appris, grâce à l'islam.
Aujourd'hui la République islamique d'Iran et son peuple sont connus dans le monde pour leur courage et leurs avis originaux sur différentes questions. Qu'est ce qui est le plus juste, utiliser notre art dans ce sens ou le traîner dans la boue ? L'art ne doit pas être utilisé de cette manière.

Il ne faut pas confondre l'art religieux et le fait de suivre ces écoles dogmatiques, ou bien au dire de notre ami, ces groupes ignorants. Ne nuisez pas à votre art. L'art religieux consiste à inspirer et représenter les idéaux de l'islam, qui sont bien entendu les plus éminents. C'est cela qui garantit le salut de l'homme, le respect de ses droits, ses progrès, sa vertu et la justice sociale.

Il n'y a aucune obligation d'agir ou non de cette façon. Ceux qui sont au courant de mes idées savent que je ne crois pas que l'art se réforme par des décrets, des ordres et des choses de ce genre. Il fait partie des sujets dont la correction ne se fait pas par ordonnance, il faut qu'il y ait une motivation, et il existe aussi des motivations malhonnêtes. En tout cas, c'est mon avis personnel sur la question et cela ne veut pas dire que si le ministère de la Culture et de l'Orientation islamique donne des ordres sur un sujet quelconque, il faille les négliger.

Le sujet suivant dont je parlerai brièvement est celui de l'art révolutionnaire. Tout ce que la Révolution exige de l'art et de ses titulaires, est un regard esthétique, et ce n'est pas une exigence sévère. Le peuple s'est engagé pendant huit ans dans la guerre, les jeunes se sont rendus au front et ont fait de grands sacrifices pour défendre leurs valeurs, la plupart sont partis à cause de leur foi, mais il est possible que certains se soient sacrifiés pour la patrie et les frontières. Les pères, les mères, les époux, les enfants et tout ceux qui ont participé à cette action à l'arrière front, ont créé une épopée exceptionnelle. Passez en revue les souvenirs de la Défense sacrée, (qui concerne la guerre imposée à l'Iran par l'Irak), est-ce qu'il y a, selon votre point de vue artistique, quelque chose de plus beau que l'atmosphère qui régnait à cette époque dans la société ? Lorsque vous voyez un héros de chef-d'œuvre dramatique de la littérature mondiale, se sacrifier, vous en faites l'éloge et vous l'admirez. Lorsqu'on met en scène un film, une musique, une biographie de tel ou tel révolutionnaire ou l'histoire des soldats dévoués d'un pays, vous ne pouvez pas résister à l'envie de les admirer. Mille histoires plus importantes et plus précieuses que ce que l'on montre à travers une œuvre d'art, sont arrivées pendant ces huit ans de guerre et même pendant la Révolution, chez vous. Est-ce que cela n'est pas beau ? L'art peut-il rester indifférent à ces beautés ? C'est ce que la Révolution exige et ce n'est pas trop. Certains prétendent ne rien voir de beau, c'est le cas de ceux qui ne connaissent pas ce sujet ou qui ne veulent rien voir.

Mes chers amis ! Certains parmi vous, connaissent bien l'Histoire. Quant à moi, j'ai lu et relu ligne par ligne, les pages de l'histoire de ces 70 et 80 dernières années. Nous étions l'un des peuples les plus fragiles aux mains des superpuissances. J'ai mené de longues études sur l'Histoire du sous-continent indien, sur laquelle j'ai rédigé un livre. En comparant la situation de l'Iran à celle du sous-continent indien, j'estime que, malgré la colonisation directe des Britanniques, notre situation était encore pire et que nous subissions des contraintes encore plus inhumaines. Eux au moins (les gens, du sous-continent), n'étaient pas trahis par leurs propres concitoyens, ni par l'hypocrisie et la corruption de leurs compatriotes. Les Anglais étaient entrés sur leur territoire. Leurs compatriotes étaient des gens comme Gandhi, Nehru, Molina Mohammed Ali et Molina Shokat Ali, Jinnah qui se sont battus contre les Anglais et ont beaucoup souffert. Mais cela se passait autrement du côté iranien. Les Anglais ont donné le pouvoir à Réza Khan, pour que ce dernier réalise leurs projets. On ne peut nier ces vérités, ce n'est pas seulement moi qui en parle. Ce sont des évidences historiques rapportées par tous les historiens et tous les documents publiés depuis une trentaine d'années. Il y a quelques jours, je lisais dans un document de ce genre, que Réza Khan avait avoué pendant une réunion, en présence de Sayed Zia et d'officiers anglais, qu'il ne comprenait rien à la politique et qu'il était prêt à agir au gré de ces derniers et à obéir à leurs ordres. Mais à partir du moment où ils ont senti la moindre désobéissance de sa part et une tendance à l'indépendance, sans qu'il s'agisse pour cela d'une véritable autonomie, mais celle d'un autre Hitler car Réza Khan prenait plaisir à contempler les chefs nazis, on l'a fait abdiquer et remplacer par son fils. Cela fait partie des vérités amères du pays.

L'Iran a été humilié malgré les grandes richesses culturelles dont vous avez parlé. Vous avez raison, je le crois aussi. L'Iran a été humilié pendant cinquante ou soixante ans, et gouverné par des gens qui n'avaient pas été désignés par nous, car il n'y a avait aucune tradition démocratique dans notre pays à l'époque, mais qui en plus, n'avaient aucun mérite. Si au moins ils avaient été des dictateurs et s'étaient emparés du pouvoir par la force comme Nadir shah, ou par la ruse, comme Agha Mohammad Khan ! Mais la situation était différente, c'était des « autres » qui leur avaient remis ce pouvoir sur le peuple iranien et qui mettaient à sac nos ressources matérielles et spirituelles. Après de grandes souffrances, un mouvement s'est déclenché contre cette fatalité et nous sommes rentrés en conflit, les mains nues. N'est-ce pas beau cela ? Comment l'art peut-il négliger cela ? C'est une exigence de la Révolution. C'est l'art révolutionnaire dont nous avons parlé depuis sa création. Cette exigence est-elle trop lourde ? Votre musique, vos films, votre théâtre, votre peinture et les autres disciplines artistiques doivent travailler sur ce sujet, il le faut absolument. Ce n'est pas une demande trop exigeante, au contraire, elle repose sur des bases esthétiques. L'art véridique est de comprendre la beauté qui ne s'exprime pas forcément par des fleurs et des rossignols. Quelquefois il est plus beau de voir un homme brûler en martyr. C'est à l'artiste de le voir, de le concevoir et de l'exprimer au moyen du langage artistique.

De toutes les façons, je ne vais pas rejeter les chefs-d'œuvre créés sous la Révolution islamique en matière d'art spirituel, dont je tiens à remercier les auteurs du fond du cœur. Que ce soit les acteurs qui ont joué leur rôle à merveille, les metteurs en scène, les scénaristes et leurs collègues dans différents domaines artistiques comme la peinture, la calligraphie ou le dessin. Ce sont des travaux précieux que l'on ne peut aucunement renier mais les exigences dont je vous ai parlé subsistent encore.

Je dirai quelques mots au sujet de l'art et de la politique. Un très cher ami que nous considérons comme notre propre fils, a dit qu'il ne voulait pas se joindre aux partis politiques, et a regretté qu'on ne le laisse pas tranquille ! J'ai toujours conseillé aux artistes et à tous ceux qui sont en contact avec les affaires artistiques, d'éviter dans la mesure du possible, les enjeux politiques. Cette idée n'est pas née d'hier ! Depuis mon mandat de Président de la République, quand j'ai rencontré les ministres de la Culture et de l'Orientation islamique et d'autres responsables, je leur au répété ce point de vue. J'ai également recommandé à certains d'empêcher que les responsables et les partis politiques s'ingèrent dans ces questions et s'emparent de ce domaine. Car tout serait ruiné. Ne vous trompez pas. Là où il est question de préserver et de propager les valeurs, ou de les ignorer, il y a une frontière. Vous ne pouvez pas dire que vous n'appartenez à aucun des deux camps. Est-ce possible ? Ce serait un manque d'identité. Est-il possible à la fois de croire en ces valeurs et de les démentir ? De protéger une valeur et en même temps ne pas l'appliquer ? Il faut choisir et rester sur ses positions. Il est possible qu'une personne se trompe, je ne le nie pas. Dans ce cas, il faut rattraper cette faute. Il m'est arrivé de voir des œuvres, présentées par leurs auteurs ou quelqu'un d'autre, et d'avoir fait des critiques sur le jeu, les dialogues ou la mise en scène, bien sûr je leur en ai glissé un mot. Certains ont accepté une correction, d'autres non. Nous avons remercié ceux qui ont corrigé mais n'avons jamais fait le moindre reproche à ceux qui ne l'ont pas fait. Cependant, il y a des limites et des frontières. Est-il possible d'y être indifférent ?
Comme je vous l'ai dis au début, on ne peut ignorer les valeurs. Il ne faut pas les considérer comme une orientation de tel ou tel groupe politique. A l'époque où j'assumais le poste de Président de la République, dans un discours en présence des deux partis, je les ai comparés à deux tribus A et B, et déclaré que leur conflit était d'ordre tribal. Aujourd'hui encore ces préjugés tribaux subsistent.

Il est important de remarquer mes chers amis, que la politique contemporaine abuse de l'art. Si j'avais dit le contraire, cela aurait prouvé mon manque d'information. Cela existe non seulement aujourd'hui, mais depuis toujours. Il y a quelques jours, on m'a apporté la traduction d'un document publié par le ministère des Affaires étrangères des Etats-Unis, sur le coup d'état du 19 août 1953, en Iran. Je ne me rappelle pas grand-chose parce qu'à l'époque j'avais à peine 15 ans mais j'en ai beaucoup entendu parler et j'ai beaucoup lu à ce sujet. Pourtant aucun des documents que j'ai lus n'étaient aussi détaillé que celui publié par les Américains. Les auteurs de ce mouvement ont rédigé ces documents et les ont envoyés au ministère des Affaires Étrangères des USA et à la CIA pour les Américains. En fait l'opération fut orchestrée à l'époque, par les Etats-Unis et l'Angleterre, comme le dit le document. J'insiste sur le passage qui suit : « Kim Roosevelt raconte : [...lorsque nous sommes partis pour Téhéran, nous avons apporté une grande valise remplie d'articles qui devaient être traduits et publiées dans les journaux, et des caricatures aussi] ». Voyez comment l'agence de renseignement américaine, la CIA, emploie tous les moyens et notamment l'art, contre un état qui ne s'entend pas avec leur pays et ne travaille pas à leur profit et qui s'appuie sur la voix de son peuple car malgré tout, le gouvernement des Pahlavi était légal et reconnu par le vote du peuple. Peut-être que ce jour-là, il n'existait aucun caricaturiste serviable et fiable, et ils ont été obligés d'apporter eux-mêmes leurs caricatures ! Dans ces documents, il est fait allusion à une commande de caricatures aux services artistiques de la CIA. Il y a deux ou trois ans, les Italiens ont publié un livre qui a été traduit en persan où on fait également allusion au secteur artistique de la CIA et à ses activités. C'est ainsi que la politique abuse de l'art. Que voulez-vous faire ici ? Si tous les hommes politiques, toutes les superpuissances, toutes les dictatures du monde juraient devant leur livre saint qu'elles n'abuseront plus de l'art, nous serions sauvés et nous pourrions dire que Dieu merci, l'art est sauvé, mais cela est impossible. Que voulez-vous faire ? Ne voulez-vous pas profiter aussi de votre art pour arrêter ces abus ? Ne serait-ce pas normal ? Et bien non, ce n'est pas normal.

Sachez qu'à part la République islamique d'Iran, aucun état n'a régné dans ce territoire grâce aux voix, et dans l'intérêt et le souci du peuple. J'en suis sûr et je l'affirme. Bien sûr, il y a eu des gouvernements qui avaient des partisans mais l'admiration est autre chose que la foi et la confiance d'un peuple. Cela ne se trouve que dans la République islamique et cela existe grâce à la Révolution et au soutien du peuple. Il en est de même aujourd'hui et je suis fier de le déclarer.

Ici, le sort du peuple ne dépend pas de gens orgueilleux et vaniteux. En vous parlant, je n'éprouve pas le moindre sentiment de supériorité, louange à Dieu, Seigneur de l'univers, les autres responsables du pays non plus, ni le Président de la République, ni le président de l'Assemblée nationale ni le chef du Pouvoir Judiciaire. Cela n'existe nulle part. Les responsables sont conscients de la charge divine qui leur a été confiée pour un temps, pas plus. Ils sont conscients de leurs responsabilités et cela est propre à ce pays.

Ce gouvernement populaire, au service du peuple et soucieux de ses besoins, n'a commis que la faute de ne pas céder aux exigences des superpuissances dans la région et de ne pas travailler à leur profit. « L'Iran ne travaille pas dans le sens de nos intérêts », c'est ce qu'ils affirment ouvertement. Quand, par exemple, les USA déploient leurs troupes dans le Golfe persique, à tel ou tel endroit, si l'on demande pourquoi, Ils répondent que leurs intérêts en dépendent ! Leurs intérêts sont dans le Golfe persique, à quelques milliers de kilomètres de leur territoire, et au prix des intérêts des pays de la région ! Ils font tout ce dont ils ont envie dans n'importe quel pays, pour défendre leurs intérêts au delà de leurs frontières. La République islamique d'Iran est accusée de ne pas agir dans le sens de ces intérêts mais en faveur des siens. Leurs intérêts ne nous intéressent pas. On a dit que la République islamique cherchait la guerre, ce n'est pas vrai. Rien dans nos relations avec les Etats-Unis n'exige un quelconque conflit. Nous sommes différents et nous n'avons absolument pas l'intention de nous incliner, à aucun prix. C'est notre crime. Il en est de même avec la question de la Palestine et d'autres affaires. On condamne un peuple parce qu'il ne veut pas se soumettre aux prétentions hégémoniques des superpuissances, et on lui fait subir toutes sortes d'attaques où tous les moyens sont utilisés même l'art. Comme je viens de vous le dire, la CIA dispose d'un service artistique qui produit des films antirévolutionnaires, anti-chiites et anti-islamiques à tout de bras. Quel est votre devoir en tant que producteurs, cinéastes, comédiens, acteurs, musiciens et compositeurs iraniens, et à vous qui ressentez cette vérité et subissez cette oppression ? N'y a-t-il pas un devoir au niveau national ?

J'ai beaucoup entendu parler d'Aliev qui encourageait les Russes à de se rendre au front, pendant la guerre mondiale et qui a eu une influence incroyable, et agi dans l'intérêt du peuple, peut-on dire. Naturellement cette exigence existe pour tout artiste de toute nationalité. Comment peut-on donc s'y dérober alors que l'ennemi en profite.

Je dois dire aussi que tout ce que nous entendons dans le monde sur notre goût pour la violence, est inacceptable pour les savants et les sages. La meilleure façon de soumettre une nation, est de choisir une propagande qui l'exclue de la scène internationale, en l'accusant et en l'obligeant à être constamment sur la défensive. C'est une tactique bien connue. Qui nous accuse de violence ?

Il y a deux ou trois ans, un responsable européen était venu à Téhéran, comme vous le savez, lors des rencontres internationales de haut rang, on échange des généralités, des compliments et des idées. Il a donc parlé de paix et affirmé qu'ils étaient tous pour la paix. Abandonnant le protocole courant qui régit ce genre de réunion, je me suis opposé à ses propos en disant : « Vous les Européens, vous orchestrez les guerres et vous prétendez être pour la paix ! C'est vous qui avez déclenché les plus grandes guerres de l'Histoire où autant de gens ont été massacrés. Nous aussi, à l'autre bout du monde, nous avons subi les conséquences de votre guerre et vous venez me dire que vous êtes pour la paix. Vous ne faites rire que vous-mêmes, vous êtes des comédiens. Quant à nous, nous n'avons aucun problème de ce genre. Aucun pays musulmans ne cherche les conflits. Alors que vous, vous parlez de guerre et vous prétendez être pour la paix ».

Ils produisent des quantités d'armes qu'ils vendent dans le monde entier. En vérité, ce sont eux les plus violents. Ils parlent de terrorisme mais en fait, ils veulent critiquer la République islamique d'Iran qui soutient les combattants palestiniens qui défendent leur patrie. Selon les médias internationaux, soutenir le terrorisme signifie soutenir les combattants palestiniens ! Détruire la maison des Palestiniens sur ses habitants avec un tank et tuer un bébé de quelques mois, n'est pas du terrorisme, mais dès qu'un soldat cruel et criminel est tué au cours d'un incident, leurs médias publient en première page la photo de son épouse et de son enfant en larmes, et celle de ses funérailles. Tout cela pour donner de nous une image violente ! C'est de la pure propagande !
Tout cela pour dire qu'il faut aborder la question de l'art et de la politique avec plus de profondeur et ne pas rester superficiels.

J'espère que la valeur légitime de l'art sera reconnue avant tout par les artistes et qu'ils prêteront attention à cette grande charge et la respecteront. Ce respect se fait par l'usage qu'ils feront de cet art. L'Imam Sajjad (que la paix soit sur lui) a dit dans un hadith : « Ton existence est le bien le plus précieux. Rien ne lui équivaut sinon le Paradis promis par Dieu. Ne la consacre donc à rien d'autre que la recherche du Paradis divin » (Bihâr ol Anwar, tome 2 p144) L'art est un des aspects les plus précieux et les plus prestigieux de l'être humain. Il faut donc en reconnaître la valeur et le mettre au service de Dieu en toute sincérité et sans tomber dans l'hypocrisie.

La question économique est importante dans le domaine de l'art et concerne les questions pratiques. J'insiste toujours auprès des amis du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique pour qu'ils y prêtent attention. Il est vrai que la situation des cinéastes et de certains secteurs artistiques, non seulement celle des artistes, n'est pas toujours brillante et est parfois même inadmissible. Les investisseurs dans le domaine artistique, qui respectent certaines valeurs, ne font pas de grands bénéfices. Il faut les aider sur le plan financier. Sans cela ils s'orienteront vers des domaines susceptibles de leur procurer de l'argent, vers les « guichets » comme le disent les cinéastes, et ce n'est pas toujours bien. Le goût pour la sexualité, la sensualité et d'autres sujets, découle en partie, des problèmes financiers. Pour attirer les spectateurs, on se sert de personnes particulières. C'est le grand inconvénient de nos films. Les exemples que nos amis ici présents, ont abordés, ne sont pas du tout acceptables au niveau cinématographique et sont à rejeter. Je n'ai vu aucun des films dont il a été fait allusion. Il n'est pas question de censure, il faut éviter de développer des idées chez les jeunes, susceptibles de les conduire au péché et à la corruption. Cela est différent de la liberté de pensées. Vous savez bien que les sentiments ne laissent pas de place à la réflexion et entraîne sans laisser aucune possibilité de choisir. Je n'aime pas ça. Dans beaucoup de films et de spectacles, les motivations sexuelles sont utilisées pour rendre le travail plus intéressant. Il en est de même avec la musique et dans d'autres domaines artistiques, chacun à leur manière. Il faut faire en sorte que l'artiste puisse travailler sans aucune obligation de ce genre, pour attirer la clientèle par exemple, et puisse s'exprimer de façon juste et complète.

Je tiens à présenter tous mes respects à ceux qui travaillent assidûment dans le domaine artistique, dans le souci, l'engagement et le respect de leurs responsabilités, et je tiens à remercier tous les artistes vieux ou jeunes, qui ont produit des chefs-d'œuvre brillants et précieux. Que vous soyez incha-Allah, tous couronnés de succès. Je remercie sincèrement les amis du ministère de la Culture et de l'Orientation islamique de nous avoir donné l'occasion de nous réunir.

Que salut de Dieu, Sa clémence et Sa bénédiction vous soient accordés