Maedeh Zaman Fashami, journaliste et chercheuse
« Mes nièces et neveux ont faim, et cette faim est en train de les tuer en silence. Je ne peux rien faire pour les sauver. » D’une voix tremblante de chagrin, Alaa Arafat — une femme palestinienne autrefois entourée de rires et de jeux d’enfants — partage sa douleur. La maison autrefois pleine de vie est aujourd’hui plongée dans l’obscurité par des bombardements incessants, un siège brutal, et une stratégie militaire qui en a fait un tombeau pour des enfants affamés et dénutris. Alaa vient d’une grande famille avec huit frères et sœurs, et neuf nièces et neveux. Des enfants autrefois débordants d’énergie sont aujourd’hui des corps frêles et amaigris, épuisé par la faim.
Sa sœur Sama, mère de sept enfants, a fui sa maison à plusieurs reprises, perdant presque tout. Désormais, elle survit avec quelques conserves et le peu de pain qu’elle trouve. Chaque jour, elle voit ses enfants devenir plus maigres et plus faibles. Sa fille Lena ne pèse que 13 kilos. Les médecins ont confirmé une malnutrition sévère. Autrefois vive et joueuse, Lena est maintenant pâle et trop faible pour jouer, même pour se tenir debout. L’autre sœur d’Alaa, Asma, a un bébé de deux mois, prénommé Wateen, souffrant de jaunisse à cause de la malnutrition et du manque de lait infantile.
La malnutrition comme arme de guerre prolongée
Cette histoire déchirante n’est qu’un exemple parmi des milliers à Gaza, où les familles vivent sous des bombardements intenses et un siège étouffant. Les rapports d’organisations internationales comme l’UNICEF et l’OMS indiquent que plus de 18 000 enfants palestiniens sont morts, et plus de 1,1 million d’autres sont menacés de famine et de privation extrême. Cette crise humanitaire n’est pas accidentelle ; c’est le résultat calculé de stratégies de guerre visant à éliminer les futures générations de la Palestine.
La malnutrition à Gaza dépasse la simple perte de poids. C’est une urgence physiologique et psychologique profonde. Elle endommage les organes vitaux comme le foie, les reins et l’estomac. Elle nuit au développement, affaiblit le système immunitaire, accroît la vulnérabilité aux maladies, et provoque des troubles cognitifs et des traumatismes émotionnels. Les enfants souffrant de malnutrition ne se développent souvent pas correctement, laissant place à une génération physiquement et mentalement fragile, moins apte à résister à l’oppression et à l’occupation.
Les victimes les plus vulnérables
Parmi les plus menacés figurent les femmes enceintes, les mères allaitantes et les nourrissons. Des milliers de femmes enceintes à Gaza souffrent de malnutrition aiguë, un chiffre en forte augmentation ces dernières années. Les carences nutritionnelles, notamment en vitamines, fer et protéines, entraînent une hausse des naissances prématurées et de faible poids, augmentant considérablement la mortalité infantile. Le stress mental causé par la guerre et le siège aggrave la santé maternelle et affecte le développement fœtal.
Allaiter dans ces conditions est devenu un défi monumental. Les mères malnutries produisent souvent peu de lait, et la valeur nutritive de ce lait est réduite. Des études de terrain montrent qu’environ 45 % des mères à Gaza recourent à une alimentation mixte, donnant à leurs bébés à la fois du lait maternel et du lait infantile. Mais le lait infantile est rare, et l’utiliser sans eau propre ni matériel stérile présente des risques graves.
Les données de l’UNICEF révèlent que près de 25 % des nourrissons de moins d’un an à Gaza souffrent de malnutrition aiguë. Leurs systèmes immunitaires sont fragiles, les rendant hautement sensibles aux infections et maladies. Le taux de mortalité infantile a explosé en raison du manque d’équipements médicaux, de médicaments essentiels et de personnel soignant qualifié. Au-delà de la nutrition et de l’hygiène, les pressions psychologiques liées à la guerre, à la peur constante des bombardements et à l’instabilité quotidienne affectent profondément les mères et les enfants. L’anxiété, la dépression et le stress chronique touchent de nombreuses personnes, intensifiant leurs souffrances mentales et physiques.
Malgré les efforts mondiaux pour soutenir les mères et les nouveau-nés à Gaza, sans la levée du siège et l’ouverture des frontières, l’aide reste limitée et insuffisante. Alors que les médias internationaux commencent lentement à condamner le génocide, deux ans après son déclenchement, les gouvernements occidentaux n’ont toujours pas pris de mesures concrètes, échouant à fournir l’aide essentielle et révélant implicitement leur complicité dans la famine et le bain de sang à Gaza. Comme l’a déclaré l’Imam Khamenei le 23 décembre 2023 : « La grande victoire du peuple palestinien, c’est la perte de crédit de l’Occident, des États-Unis et de leurs fausses revendications en matière de droits humains. Aujourd’hui, tout le monde est conscient de ces mascarades. Ils savent ce qui se cache derrière leur utilisation des mots comme ‘droits de l’homme’ et autres choses du genre. »
Alors que les mères du monde entier accueillent leurs nouveau-nés dans la paix et parlent du lien affectif et des bienfaits irremplaçables de l’allaitement, les mères de Gaza luttent, physiquement et spirituellement, pour une simple goutte de lait. Au milieu de la famine, des coupures d’électricité, de la pénurie d’eau et de médicaments, le lait maternel est plus qu’un aliment, c’est un bouclier contre la mort. Et pourtant, comment une mère affamée, épuisée et piégée peut-elle nourrir son enfant ? L’allaitement devient douloureux, parfois même impossible. Ces mères, dont les corps ne tiennent plus, bercent leurs bébés avec les lèvres sèches, les yeux sans sommeil, et l’espoir fragile de quelque chose d’aussi simple que d’être nourries.
Alors que la Semaine mondiale de l’allaitement appelle à un soutien mondial pour la santé maternelle, une réalité contrastée se déroule à Gaza, où même le fait d’être mère devient un combat quotidien pour survivre. Une contradiction frappante entre un monde qui célèbre le pouvoir de l’allaitement et une mère trop faible pour prendre son propre enfant dans ses bras.
La voix d’Alaa tremble quand elle demande :
- « Qui répondra du sang de ces enfants ? Qui nous entend ? »
Sa question résonne dans le silence — portée par des milliers de familles encore en attente de secours à Gaza.
(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Khamenei.ir.