Dans l'histoire et la culture du monde islamique, le nom de « Ali ibn Abi-Talib » a toujours été placé à côté de celui du Prophète de l’Islam (SAWA). Dans la plupart des encyclopédies sur l'islam, il est présenté comme étant le cousin du Prophète (SAWA), la première personne qui a accepté l'islam, et le premier imam des chiites ou le quatrième calife des musulmans. Cependant, dans les sources existantes sur l’Imam Ali (psl), peu ont tenté d'approfondir son caractère et l'attrait mondial de sa vie et de sa pensée. L'une de ces rares sources notables à cet égard est le livre écrit par George Jordac, écrivain chrétien libanais. Bien qu'il ait été chrétien, il a été tellement impressionné par les pensées et les enseignements de l’Imam Ali (psl) qu'il a écrit à son propos le livre « La voix de la justice humaine ».

Néanmoins, les diverses dimensions de la pensée et du caractère du premier Imam des chiites n'ont pas été comprises autant qu'elles le devraient, et la plupart des sources se sont bornées à fournir un simple rappel historique de sa vie. L'ouvrage le plus important qui relate les mots et la pensée de l’Imam Ali (psl) est le livre « Nahj-ul-Balaghah » (littéralement : La Voie de l'Éloquence), qui comprend trois parties principales : les sermons, les lettres et les mots de sagesse. En termes de style et de sens, les experts ont décrit « La Voie de l'Éloquence » comme étant sublime et extraordinaire. Un point remarquable à propos de l’Imam Ali (psl), qui peut également être vu dans Nahj-ul-Balaghah, est que ses enseignements et sa sagesse ne sont liés ni par le temps ni par le lieu. Ce livre, initialement écrit en arabe, a été traduit en plusieurs langues, dont le français. Ce qui suit est une tentative d'approfondir certains des aspects de la vision du monde de l’Imam Ali (psl), à la fois théoriquement et aussi comme ils ont été pratiquement observés dans sa vie sociale et politique.

 

 L'être humain, centre de la création

Selon la pensée de l’Imam Ali (psl), les êtres humains ont une position prééminente. La position et le statut des êtres humains sont si importants pour l’Imam Ali (psl) que l'ignorance et la négligence de la valeur des êtres humains pour les êtres humains sont considérées comme l'ignorance et l'oppression les plus graves. À cet égard, il a dit : « Pour que quelqu'un soit considéré comme ignorant, il suffit qu'il ne reconnaisse pas sa propre valeur. » [1] Cette importance épistémologique a de nombreuses implications dans le domaine pratique de la vie. L'une de ces implications concerne les droits de l'homme, qui constituent l'un des débats les plus importants en sciences humaines et un enjeu fondamental dans le monde politique d'aujourd'hui. Le principe le plus important et le fondement des droits de l'homme est la « dignité humaine ». L'une des dimensions les plus attrayantes de la personnalité et de la pensée de l’Imam Ali est sa croyance en la dignité humaine et la façon dont cela a été démontré dans sa vie sur le plan cognitif et pratique. L'origine et la source de cette dignité, dont tout être humain bénéficie, est le souffle de Dieu de Son Esprit dans les êtres humains. [2] et [3]. Cette dignité théorique a été établie comme le fondement de la noblesse dans le mode de vie de l’Imam Ali, et de nombreux principes juridiques et éthiques ont été développés sur cette base. C'est sur la base du principe de dignité que peut aussi être reconnu le principe de la liberté humaine. Ce principe concerne toute l'humanité, car il provient de la nature divine de toutes les âmes humaines. À cet égard, il n'y a aucune différence entre un musulman et un non-musulman - ou encore un athée ou une personne irréligieuse. Conformément à cela, lorsque la sécurité d'une société qui est sous la gouvernance des musulmans est attaquée par un agresseur et que ses citoyens sont transgressés, l’Imam Ali (psl) ne fait aucune distinction entre un citoyen musulman et un citoyen non musulman. Il a dit :

« J'ai appris que des assaillants ont attaqué dans des femmes musulmanes et d'autres femmes sous la protection de l'Islam et ont retiré leurs ornements de leurs pieds, de leurs bras, de leur cou et de leurs oreilles. Et ces femmes impuissantes ne pouvaient rien faire face à ces assaillants mais demander grâce … Si un musulman meurt de chagrin après cette tragédie, il ne doit pas être blâmé. » [4]

Sur la base de ce principe ontologique, les êtres humains sont une création de Dieu et leur dignité et leurs droits doivent être protégés. Un autre exemple concernant l'importance de protéger la dignité et les droits des êtres humains dans la pensée de l’Imam Ali (psl) peut être observé dans sa lettre à Malik Ashtar. [5] Cette lettre a été traduite dans de nombreuses langues du monde et a parfois été qualifiée de guide pour une gouvernance équitable. Le premier Imam des chiites souligne dans cette lettre que le gouverneur qu’il investit devrait répandre sa gentillesse et son amour sur les citoyens sans sentiments de sectarisme ou de discrimination. Il devrait établir leurs pleins droits, qu'ils soient musulmans et son frère dans la religion ou des êtres humains et ses semblables dans la création. Il a dit:

« Remplis ton cœur de miséricorde pour les sujets, d'amour pour eux et de bonté envers eux. Ne sois pas comme une bête vorace au-dessus d'eux, cherchant à les dévorer. Car ils sont de deux types : soit ton frère en religion, soit ton semblable dans la création. » [6]

 

La justice, raison d'être de la politique

La vision globale d'Ali ibn Abi-Talib (psl) vis-à-vis la dignité humaine garantit pratiquement la justice dans toutes les situations, pour toutes les races et pour toutes les religions. Selon lui, une dimension de la justice est de prendre en considération les droits naturels et véritables, puis d'attribuer une tâche à la personne conformément à ses talents et à sa compétence. Ce principe concerne tout le monde et personne ne fait exception à cela : « La justice est une loi générale et c'est un gestionnaire général et ingénieux. Elle englobe toute la société et constitue une route sur laquelle tout le monde devrait se déplacer. » [7]

Sur cette base, l’Imam Ali (psl) considère l'établissement des pleins droits des personnes, en particulier les droits des nécessiteux, comme l'un des devoirs d'un dirigeant islamique. Pour lui, peu importe la position d'une personne dans la société et la classe à laquelle elle appartient. Dans tous les cas, le dirigeant est responsable de la sauvegarde des droits du peuple. Les personnes les plus faibles lui sont chères et il doit protéger leurs droits. Ceux qui occupent les postes les plus élevés ont également besoin d'un soutien pour assurer leurs droits.[8] Plus intéressant encore, dans le cadre théorique de la gouvernance équitable, de l'avis de l’Imam Ali (psl), les principes théoriques et les explications sont mis en pratique. Cette manifestation pratique est telle que la vie simple et ascétique de l’Imam Ali (psl), en tant que personne la plus puissante en politique et dirigeant de la communauté islamique, est une vie exemplaire.

Un exemple en est la plainte de la famille d'une personne ascète du nom de A'sem ibn Ziad au calife des musulmans, c'est-à-dire Imam Ali (psl). Suite à cette plainte, l’Imam Ali (psl) a demandé à A'sem pourquoi il était si strict avec sa famille et pourquoi il leur interdisait de profiter des bénédictions divines et des plaisirs halal (légitimes) ? Pour justifier son comportement strict, A'sem s'est référé aux conditions de vie de l’Imam Ali et a dit : « Ô Commandeur des Croyants, vous êtes vous-même ici dans vos vêtements grossiers et avec votre nourriture sèche et grossière ! » La réponse donnée par Ali ibn Abi-Talib (psl) mérite réflexion : « Je suis différent de vous. J'ai un poste (administratif); vous ne l’avez pas. Je porte les vêtements du leadership et de la gouvernance. Un leader et un dirigeant a un devoir différent. Dieu a imposé aux dirigeants justes de considérer les classes les plus faibles comme le critère de leur vie personnelle. Ils devraient vivre de la même manière que les personnes les plus pauvres afin que la difficulté de la pauvreté et de la misère n'influence pas cette partie de la société. » [9]

La justice socio-politique dans la pensée et la pratique de l’Imam Ali provient, en fait, du « Tawhid » (monothéisme) et peut être expliquée dans le cadre de la justice monothéiste. Cela signifie que tous les hommes sont à la fois les serviteurs de Dieu et de Sa création. Ce principe ontologique rend insensée toute revendication de supériorité politique ou sociale. Même le dirigeant établit sa relation avec les gens selon le même principe. La façon dont l’Imam Ali (psl) a commencé ses lettres adressées aux gouverneurs qu’il désignait est la preuve de cette affirmation et montre que tout l'être de l’Imam Ali (psl), le calife des musulmans, est défini par le fait d'être le serviteur de Dieu. C'est dans ce cadre qu'il a assumé la gestion de la société : « Ceci est un ordre du serviteur de Dieu, Ali, à Malik Ashtar ibn al-Harith al-Nakha'i dans l'accord qu'il passe avec lui pour assigner qu'il soit le gouverneur de l'Égypte ».

Prêter attention à ce principe est si important qu'Ali ibn Abi-Talib (psl) a présenté la raison pour laquelle il acceptait d'être le dirigeant était d'empêcher l'oppression des oppresseurs. Il a dit : « Par Dieu qui fend le grain ! Si Dieu n'avait pas imposé aux savants le devoir de ne pas garder le silence sur la cupidité des oppresseurs et la faim des opprimés, je mettrais la bride du chameau du califat autour de son cou et je l'abandonnerais. » [10] Cette croyance était démontré pendant son califat. Il a passé une grande partie de son temps en tant que calife à récupérer les droits violés et à repousser les oppresseurs. Ce comportement et cette pratique ont mis de nombreux oppresseurs dans la liste de ses ennemis, ce qui a entraîné de nombreuses guerres. Ce principe peut être une source d'inspiration non seulement pour les hommes politiques et les dirigeants, mais aussi pour les penseurs et les intellectuels, pour qui la recherche de la justice devrait être une priorité dans leurs pensées et leurs pratiques.

 

Droits des animaux

L'éthique environnementale à l'époque contemporaine est devenue le thème récurrent des cercles intellectuels. Certains penseurs contemporains pensent que l'attitude des religions divines et des enseignements religieux font partie des facteurs fondamentaux qui détériorent l'environnement et le menacent. Dans un article intitulé « Les racines historiques de notre crise écologique », écrit par Lynn White (1967), l’auteur considérait les traditions chrétiennes et juives comme une cause des crises environnementales actuelles. Selon lui, la vision chrétienne du monde et les commandements du Livre saint d'avoir la souveraineté sur la nature ont jeté les bases d'une approche instrumentale et irrespectueuse envers la nature. Cela a motivé le développement de la science et de la technologie à être d'une manière qui est préjudiciable à l'environnement.

Les animaux sont l'écosystème le plus important, dont les droits ont attiré l'attention des personnes concernées par la protection de l'environnement. L’Imam Ali (psl), directement opposé aux croyances de Lynn White et d'autres théoriciens et activistes qui adoptent une approche similaire à cet égard, accorde une grande importance au respect des droits des animaux sur la base de sa pensée religieuse. Son respect pour les droits des animaux peut être vu dans sa forme la plus détaillée dans les ordres qu'il donne à ses fonctionnaires. Par exemple, il insiste sur le fait que la chamelle ne doit pas être traite au point qu'il ne reste plus de lait pour son petit, ce qui pourrait nuire au petit. [11]

Cette attention aux animaux est telle qu'il croit que la justice devrait être pour les animaux aussi. Il a dit : « Soyez juste envers le chameau sur lequel vous montez et les autres chameaux. Laissez le chameau fatigué se reposer et montez lentement sur le chameau qui est un peu blessé ou qui a du mal à se déplacer. Une personne juste et digne de confiance n'ennuie ni ne blesse pas les animaux. » [13] L’Imam Ali (psl) respectait même les sentiments des animaux et considérait qu'il était vital de se soucier de leurs sentiments. À cet égard, il a déclaré :

« N'abattez pas un mouton devant un autre mouton, ou un chameau devant un autre chameau pendant qu'il regarde l'animal se faire abattre. » De plus, il croyait que le respect des animaux est très important. Lorsque ses fonctionnaires sont allés percevoir des impôts auprès de certaines personnes qui donnaient des moutons et des chameaux pour leur impôt, il leur a conseillé: « S'ils ont donné des moutons et des chameaux (pour leur impôt), n'entrez pas parmi leurs animaux sans leur permission, car la majorité des animaux sont à eux. Lorsque vous voulez entrer dans la ferme des animaux, ne marchez pas comme des gens arrogants ou des gens d'autorité. Il ne faut pas effrayer les animaux. » [14]

 

L’Imam Ali (psl) et notre temps

Ce qui a été mentionné ci-dessus n'est qu'une petite partie du caractère et de la personnalité de l’Imam Ali (psl). Toutes les caractéristiques et particularités que « les êtres humains respectent, qu'ils croient en l'islam, qu'ils soient adeptes d'une autre religion ou qu'ils ne croient en aucune religion, se retrouvent tous dans le personnage d'Ali ibn Abi-Talib ».[15] Des siècles se sont écoulés depuis son époque et les êtres humains sont encore affligés par de nombreux problèmes et cruautés : des capacités et talents spirituels et intellectuels des adolescents et des jeunes sont gaspillés en raison de cultures séduisantes et abusives, les femmes sont transformées en objets de plaisirs matériels, et les hommes sont formés de telle manière qu'ils pratiquent cette vision objectivante et marchandisante des femmes, les enfants innocents sont facilement tués devant les yeux de leurs parents, et des milliers d'enfants sont privés de leurs parents en raison d'attaques de drones dans des zones civiles, des familles africaines qui dorment affamées sur le continent rempli d'or, de pierres précieuses et de métaux. Dans de telles conditions où le monde est plein de slogans humanitaires et en même temps affligé par ces crises susmentionnées, il semble nécessaire et efficace de réfléchir et de prêter une attention sérieuse aux pensées et au modèle de gouvernance "pratique" de l’Imam Ali (psl ).

 

Notes :

[1] Nahj-ul-Balaghah, Sermon n° 102.

[2] Nahj-ul-Balaghah, Sermon n° 1.

[3] Dans le point de vue islamique et la façon de penser de l’Imam Ali (psl), « le souffle de l'Esprit Divin dans les êtres humains » et « le fait que Dieu est plus proche des êtres humains que leur veine jugulaire » [Saint Coran, 50:16 ] ne signifie pas le parallélisme de l'être humain avec Dieu. Et cela ne signifie pas que Dieu et les êtres humains sont de la même espèce. Dieu est toujours le Créateur Absolu et les êtres humains sont Sa création. C'est pourquoi l’Imam Ali (psl) déclare au début de son premier sermon dans « La Voie de l'Éloquence » dans sa description de Dieu : « Celui dont la hauteur du savoir ne peut pas être apprécié, et dont la profondeur ne peut être atteinte par les penseurs profonds …  »

[4] Nahj-ul-Balaghah, Sermon n° 27.

[5] Malik Ashtar était l'un des compagnons les plus fidèles de l’Imam Ali (psl). Il a été nommé par lui pour être le gouverneur en Égypte.

[6] Nahj-ul-Balaghah, Lettre n° 53.

[7] Nahj-ul-Balaghah, Mots de Sagesse n° 437.

[8] Nahj-ul-Balaghah, Sermon n° 37.

[9] Nahj-ul-Balaghah, Sermon n° 209.

[10] Nahj-ul-Balaghah, sermon n° 3.

[11] Nahj-ul-Balaghah, Lettre n° 25.

[12] ibid.

[13] ibid.

[14] ibid.

[15] Tiré des déclarations faites par Sayed Ali Khamenei lors d'une rencontre avec différents groupes de personnes à l'occasion de l'Aïd al-Ghadir ; Septembre 2016.

Source: https://english.khamenei.ir/print/8473/Who-was-Imam-Ali-pbuh