[...] J'aimerais vous parler de façon sérieuse, franche et honnête. Non seulement en tant que responsable mais aussi en tant qu'ancien responsable d'activités culturelles et médiatiques, et d'activités dans le domaine des logiciels culturels. J'aimerais vous parler un peu de ce sujet car les questions qui touchent le pays, sont importantes et essentielles.

La première remarque concerne le statut de la presse. Quelle place a-t-elle en Iran et dans le régime de la République islamique ? Qu'est-ce que la presse ? Doit-elle être considérée comme une chose superflue, un ornement ou une chose concrète, utile, indispensable et constructive ? Je suis pour la deuxième option bien entendu. Je crois que la presse ne doit pas être considérée comme un passe temps. Par conséquent, son développement, sa diversité, sa qualité et sa correction en cas de défaut, constituent les principaux travaux de ce régime. Il est possible qu'on se demande quelle est la raison pour laquelle la République islamique considère que la presse est une de ses responsabilités essentielles ? Je répondrai que cela vient du fait que le régime islamique est un régime démocratique, ce que personne ne peut démentir, même pas ses opposants qui tentent de tromper le peuple en disant : « c'est par ignorance que les gens sont contents du régime et de ses dirigeants ». Même dans ce cas, on ne peut nier la satisfaction du peuple qui est d'ailleurs très claire. Nous sommes en contact avec les gens, ce régime est donc un régime démocratique.

Un état démocratique n'avance que grâce à la prise de conscience du peuple. La dictature, la tyrannie, les régimes issus de coups d'état ou les dictatures ne s'occupent pas des individus et négligent leur volonté et leurs points de vue, et ne se soucient pas de leur compréhension ou de leur ignorance. Cela ne change rien que les gens comprennent ou non.

Les responsables de l'ancien régime avaient déclaré de façon insensée, que tout opposant devait quitter le pays ! Voilà comment les régimes dictatoriaux traitent le peuple. Il est vrai qu'ils en parlent parfois, par hypocrisie, mais ce n'est que pour sauver les apparences. La démocratie qui est vraiment celle du peuple, nécessite une information. Il faut que le peuple soit conscient, puisse analyser et obtenir les informations et les renseignements justes et nécessaires. Ce n'est pas un geste de protocole où un régime impose ses propres points de vue aux gens, non ! Dans un pays démocratique, le peuple doit être capable d'analyser les faits pour se rendre compte de l'utilité du régime.

Les connaissances sont comme l'eau et l'air, indispensables pour ce régime. Plus les gens seront informés plus le régime de la République islamique en profitera. Il est donc évident qu'un régime démocratique a besoin d'informer le peuple.

Le rôle de la presse est évident. Une presse sensée n'est pas forcement une presse pro-gouvernementale comme je l'expliquerai plus tard, mais une presse saine et sans intention hostile. Tout ce que publiera une telle presse sur les sujets politiques, culturels, économiques, concernant les affaires étrangères et intérieures, profitera au régime. Pourquoi ? Parce qu'elle développe l'information. C'est cet esprit qui règne dans la presse en Iran.

J'ai donc deux interlocuteurs, Le gouvernement en premier, qui doit prendre cette question au sérieux. Son rôle dans les enjeux médiatique est indispensable, d'un côté à cause de sa participation financière avec les quotas, les subventions et d'autres aides qu'il offre à différents secteurs, et de l'autre côté à cause de son soutien moral qui est plus important que les soutiens financiers et les autres aides.

Je m'adresse ensuite aux médias qui doivent éviter la superficialité. Il s'agit d'un travail sérieux et essentiel, qui compte beaucoup pour ce peuple. Voilà la conclusion du premier sujet, qui est encore à suivre et à étudier.

Le deuxième sujet est une question qu'on me pose souvent : « Est-ce que vous êtes satisfait de la situation actuelle de la presse en Iran ? » Si je dois répondre dans le cadre d'une réunion amicale, je dirais : « non, je n'en suis pas satisfait » Pourquoi ? Car la qualité de la presse n'est pas conforme à son Histoire. C'est une remarque importante. Pour parler d'un phénomène quelconque et juger, il faut connaître son Histoire. Parfois un phénomène qui existe depuis longtemps dans le monde, est récent dans notre pays. On ne peut donc pas exiger beaucoup. Parfois il n'a pas été bien transmis ou a été transmis par des gens malhonnêtes. Dans ce cas, on ne peut non plus exiger beaucoup. Mais il arrive qu'un phénomène soit ancien et bien utilisé, comme la presse en Iran. La presse a été importée et fait partie des aspects positifs de la culture occidentale que nous avons utilisés. J'ai une fois développé la question des « échanges culturelles » qui est différente de « l'invasion culturelle », et dont la presse est un des meilleurs exemples. Nous avons emprunté la presse à l'Occident. Les Occidentaux possédaient une longue expérience dans le domaine du journalisme. C'est vers la fin du règne de Nâsser-e-Din shâh que la presse est venue en Iran et a connu ses débuts. Elle connaîtra un point culminant à l'époque constitutionnelle. En d'autres termes, la presse s'est développée davantage à l'époque de Mozaffar-e-Din shah.

Quand nous regardons la presse de cette époque, nous voyons que contrairement à son principe de base, l'intellectualisme en Iran, comme je l'ai répété à plusieurs reprises, "est né malade en Iran". L'intellectualisme a été introduit en Iran par des gens malhonnêtes qui l'ont introduit dans son sens occidental et européen. Par exemple, nous pouvons citer Mirza Malkam Khan ou mieux « Taghizadeh » dont l'occidentalisme et les célèbres citations retentissent encore aujourd'hui dans nos oreilles. Les débuts de l'intellectualisme en Iran, n'ont pas été appropriés. Par conséquent, malgré le souci et l'engagement de certains intellectuels, l'engagement constituant en Iran l'une des qualités de l'intellectuel, ces gens n'ont pas su se rapprocher du peuple, l'enseigner et en tirer profit. Les intellectuels ont échoué dans la plupart des questions, excepté certains qui ont fait beaucoup de sacrifices. En dehors des Ulémas (si on ne les compte pas au nombre des intellectuels) qui ont constitué un des deux courants influents de la Révolution constitutionnelle, les intellectuels de cette époque constituaient dans le cadre d'associations, le deuxième courant influent dans le pays, qui a connu un grand problème après la publication de l'ordre constitutionnel.

Si vous jetez un coup d'œil sur l'ensemble des journaux de l'époque constitutionnelle et un peu avant, vous trouverez d'excellents articles, un humour très fort, une bonne littérature et des thèmes qui montrent le souci de l'avenir du pays. Après quatre-vingt-dix ans, on peut y trouver des sujets et des remarques qui sont encore d'actualité. [...] L'intelligence et la perspicacité dans la présentation des sujets, sont d'autres caractéristiques de la presse de cette époque.

Nous avons près de cent ans d'expérience en journalisme. Je ne parlerai pas de la date de la publication du premier journal en Iran, mais chers amis, nos progrès ne sont pas ceux qui auraient du être faits en cent ans et c'est très dommage. Il est intéressant de savoir qu'il y a d'autres domaines, empruntés à l'Europe, où nous avons fait beaucoup plus de progrès. Aujourd'hui, lorsqu'on compare nos revues et nos journaux avec les journaux célèbres dans le monde, nous voyons que nous sommes moins avancés au point de vue technique, dans la mise en page et dans la profondeur des rubriques et des analyses. Pourquoi cette situation ? Il est possible que notre pays soit en retard par rapport à l'Occident, sur le plan industriel, technologique et scientifique, mais il ne l'est pas au niveau culturel ! Nous ne sommes pas en retard au niveau du patrimoine culturel. Notre poésie et notre prose, nos différents genres littéraires et notre culture nationale n'ont aucun retard ! Pourquoi donc traîner ainsi ?! Cette situation n'a rien de satisfaisant et il faut trouver une solution.

J'ai noté quelques remarques concernant la presse, qui révèlent les lacunes des médias. Je citerai à titre d'exemple, le manque de présence active dans les enjeux internationaux, l'absence d'analyses minutieuses, la faiblesse des travaux artistiques et certaines lacunes linguistiques du persan.

L'imitation aveugle des modèles occidentaux constitue un autre défaut de notre presse. Si j'ai dit que les journaux occidentaux étaient plus forts, cela ne signifie pas que nous devons les copier dans la forme et les gros titres. Dans la grammaire de l'anglais par exemple, l'ordre des mots est diffèrent du persan. Ils forment leurs titres selon les règles grammaticales de leur langue. Pourquoi les imiter en persan ?!

La troisième remarque que je veux faire, concerne la répartition de la presse dans le pays en fonction de ses rapports avec le régime. Cette répartition est indispensable pour l'état et l'orientation générale de la presse. La presse du pays se divise en trois catégories, la presse pro-gouvernementale est la première. Cela ne signifie pas qu'elle soit d'accord avec tout ce que le gouvernement entreprend. Les partisans du régime constituent un vaste éventail politique. Certains sont pour le gouvernement. D'autres sont contre ou pour tel ou tel ministère ou institution mais ils sont d'accord avec le régime et la République islamique. On peut trouver parmi eux, des gens de gauche ou de droite, représentant différentes tendances et orientations de l'espace politique. Ils sont tous du même côté et composent la majorité. La deuxième catégorie est celle de la presse indifférente au régime islamique qui ne lui consacre aucun titre. Ces journaux ne s'intéressent pas au régime et sont indifférents. Les revues scientifiques, culturelles, poétiques et spécialisées, en sont des exemples. La troisième catégorie concerne les revues et les journaux que je qualifierai d'« hostiles ». Ils ne sont pas abondants et je n'en citerai aucun ! Le leitmotiv courant mais erronée de cette presse, est « la diversité de pensée ». Les partisans de cette presse aiment être appelés « ceux qui pensent autrement » et veulent dire par là que « le régime est contre eux parce qu'ils pensent autrement ! » alors qu'ils n'ont pas en fait, beaucoup de problèmes. Ce n'est pas du tout une question d'idéologie mais plutôt une volonté de penser différemment.

Les courants de pensée sont libres dans la République islamique. Nous aimons et traitons les minorités religieuses comme nos propres frères. De mémoire, je n'ai jamais entendu quelqu'un dire que tel adepte d'une autre religion, ne respectait pas notre religion et notre islam. Nous les fréquentons. Cela fait des années que je rends visite aux martyres chrétiens à l'occasion du nouvel an. Il en est de même avec les Assyriens et les Arméniens. Je leur rends visite. Je m'assois avec leur famille, je parle avec eux, nous mangeons des fruits et des gâteaux sans penser à la religion. Les divergences idéologiques n'existent pas en République islamique et on ne contrarie pas quelqu'un qui pense autrement. Cela ne se passe pas du tout ainsi ! Que signifie donc cette volonté de penser autrement ? C'est un signe d'hostilité, de mauvaise foi et une volonté de porter préjudice, à cause de l'opposition au régime. Mais ce n'est pas leur unique but, ils ont l'intention de s'opposer au régime et de lui porter atteinte autant que la situation le leur permettra. Je ne les trouve cependant pas très courageux ! Mais ils tentent de s'exprimer dans la mesure du possible. Ils ont l'intention de nous porter atteinte dès que l'occasion se présente. La question est là et concerne la catégorie des opposants.

Au sujet du premier groupe, je crois que les gens qui sont pour le régime ont certaines responsabilités. Ces responsabilités ne sont pas contradictoires avec leurs tendances personnelles et leur orientation politique. Ce qu'on attend d'eux est de répondre à ces responsabilités.

Une d'entre elles consiste à ne pas créer des tensions médiatiques. En d'autres termes, ils ne doivent pas sans cesse accuser telle ou telle personne.

Les journaux ne sont pas tous du même avis, très bien, que chacun fasse son travail sans intervenir dans les affaires d'autrui. Que chacun suive sa propre ligne et s'occupe de ses affaires. On ne leur demande pas de renoncer à leurs idées à cause des autres. A chacun ses principes, ses tendances et ses goûts personnels.

La première exigence est d'éviter les tentions. La deuxième est de ne pas affaiblir ce régime auquel vous croyez. Cela ne signifie pas qu'il ne faut pas critiquer tel ou tel ministre ou telle institution révolutionnaire. Une critique logique ne pose aucun problème, et selon les responsables gouvernementaux, est même « constructive ». Je ne parle pas de la critique. Je parle du régime. La base de tout régime et de toute vie est l'espoir, ne sapez pas l'espoir du peuple. C'est un conseil. Ne parlez pas de manière à donner une image sombre et brumeuse de l'avenir aux jeunes et aux vieux. Pourquoi agissez-vous ainsi ?! L'Iran n'a pas un avenir sombre ! Ce peuple est un peuple qui a connu de grandes difficultés pendant des siècles et les a résolues avec le temps. Nous n'avons pas de raison de nous inquiéter pour l'avenir en Iran.

Aujourd'hui les USA se dressent contre nous ? Peu importe ! Israël s'active sur la scène internationale, soit ! Cela n'a aucune importance.

Une autre remarque que j'ai notée est celle du développement de la culture et des comportements sociaux. L'essentiel du travail, messieurs et mesdames qui travaillez dans la presse, est d'augmenter la qualité du travail dans les domaines politiques, culturels et littéraires.

Toute la presse doit faire attention au fait qu'il y a une ligne rouge que personne n'a le droit de franchir. Ce n'est pas uniquement le cas de l'Iran, c'est pareil dans le monde entier et dans les pays soi disant les plus démocratiques. Regardez par exemple les États-Unis quand apparut un courant de gauche, qui n'existe plus d'ailleurs. Quelles étaient les conditions de vie des gens de gauche, les communistes et les socialistes ? Lisez les romans des écrivains de gauche comme Howard Fast pour comprendre la situation émouvante des partisans des courants de gauche ! Lisez par exemple Les raisins de la colère (The Grapes of Wrath 1939) de John Steinbeck pour voir ce que ce dernier dit sur la situation des gauchistes et le traitement que leur ont infligé les "dirigeants de la démocratie" ! Lisez et sachez que les avocats de la démocratie et ceux qui écrivent de si mauvaises choses sur l'Iran, ne pouvaient même pas tolérer les partis de gauche car ils croyaient que le marxisme était contre le régime capitaliste américain. Les tolérer signifiait leur donner la permission de franchir les lignes rouges. Comment seraient traités des gens qui revendiqueraient, écriraient ou lanceraient le slogan d'une division des USA ou l'indépendance des 49 états ? Si quelqu'un prétendait que les noirs des États-Unis, estimés à une cinquantaine de millions, ont le droit d'avoir une partie du sol américain pour instaurer leur propre état, quel serait la réaction du gouvernement américain ? Est-ce qu'il ne subirait pas le même sort que les partisans de la secte de David ?

Ce sont les lignes rouges d'une nation. Remettre en cause la Révolution, rejeter ses principes et chercher à lui nuire, sont des lignes rouges qu'il est intolérable de franchir.

Le régime islamique et les responsables travaillent vraiment pour faire avancer le pays. L'ennemi est l'ennemi, pourquoi suivre ce qu'il dit ?! La presse internationale appartient en grande partie aux sionistes. Les Américains, les sionistes et les puissances hégémoniques sont hostiles à notre pays. Ils font des déclarations contre la République islamique. Mais cette dernière ne les écoute pas et continue son chemin avec force. Voilà la deuxième remarque.