« Diviser pour mieux régner » (Latin: divide et impera), la célèbre stratégie que nous avons entendue à maintes reprises. Une version plus clarifiant serait : « Diviser (la société de votre ennemi ou adversaire) et (de cette manière, en le rendant préoccupé de lui-même, en divisant ses sources de pouvoirs) régner sur lui ». Comme on le sait, c'est une politique coloniale pour mortifier une société afin d’exploiter ses biens précieux. La question de la division et de la provocation de la désunion est généralement, via une approche réductionniste, discutée uniquement dans le domaine de la politique. Mais est-ce vraiment le cas, ou nos perspectives sont-elles trop politisées?

 

Comme la courte proposition ci-dessus jouit d'un domaine illimité, il convient de souligner que la division en tant que stratégie coloniale n'est pas limitée à un domaine spécifique et est applicable à de nombreux sujets. Pour débattre la proposition ci-dessus d'une autre manière, elle peut être réécrite comme « Diviser (tout ce qu’on peut) et Régner ». Par conséquent, lors de l'analyse de la notion de division coloniale, la possibilité de créer une division dans les questions non politiques devrait également être incluse et ne jamais être négligée. Par exemple, on pourrait explorer le passé ou le présent et rechercher les efforts et les stratégies du colonialisme pour provoquer la division dans des domaines tels que la culture ou l'identité culturelle. Prêter attention à ce domaine peut soulever la question de savoir quelle est la valeur cruciale de la culture et de l'identité culturelle dans une société où la mise en œuvre de politiques de division peut être importante et souhaitable pour l'approche politique du colonialisme. En effet, la culture est une sorte de système sémantique qui construit une société. Ce système sémantique façonne le comportement des gens et les relations entre elles, sur la base desquelles une société se construit. Ces relations entre les êtres humains sont si importantes qu'elles forment le noyau du capital social. Ce capital social et communautaire est fondamental dans une société et a souvent été cité comme l'un des moyens les plus essentiels de survivre à de graves difficultés.

 

Il est maintenant temps de revenir sur la question de la division en tant que stratégie coloniale et de la prendre en compte dans les relations culturelles et sociales. Par conséquent, lorsqu'un colonisateur, conformément à sa politique de division, affecte négativement ou détériore les relations sociales entre les membres d'une société, nous pouvons dire que le colonisateur a pris un mouvement fondamental et radical contre la société cible. Ici, on peut se demander où est, dans une société, la partie la plus importante dans laquelle les relations et les liens sociaux sont vitaux? Le milieu scientifique et universitaire? Sur le marché entre le fournisseur et le demandeur? Parmi les forces militaires? Entre les groupes politiques? Entre le peuple et le gouvernement?

 

La réponse ne réside dans aucune de ces réponses. La relation la plus importante dans une société est celle entre un homme et une femme. Fondamentalement, si le lien entre les deux sexes n'est pas correctement forgé, aucune famille ne pourra être fondée correctement nulle part comme base pour établir une société bien bâtie. Il n'est pas surprenant que le colonisateur, avec sa politique de division et utilisant son pouvoir d'analyse sociologique, se concentre sur la tension croissante et la rupture des relations homme-femme. Cette rupture est si importante et si puissante que si elle est créée, elle peut spontanément et continuellement provoquer tension et disharmonie, de génération en génération.

 

Un certain nombre d'orientalistes et de médias affiliés au colonialisme, chargés de dissimuler et de purifier les pratiques et discours coloniaux, se réfèrent aux pratiques coloniales en relation avec les sexes, et en particulier les femmes, comme une mission de répandre la civilisation ou de lutter pour les droits des femmes dans la société colonisée. Ces affirmations surprenantes ne sont rien d'autre qu'un déguisement. Un exemple en est la tentative de changer et de déformer les vêtements nationaux et les codes vestimentaires des gens en rendant la population féminine à moitié nue dans les pays où le hijab (voile) est valorisé. La question clé, ici, est la suivante: quelle est la relation entre la semi-nudité des femmes et les droits des femmes ou le progrès social? Si la science et la responsabilité sociale sont soulignées comme des forces motrices de changement et de progrès dans une société, quelle est la relation entre elles et les cheveux ou les jambes nus des femmes?

 

Logiquement, il n'y a pas d'interrelation. Un regard en arrière révèle que de nombreuses femmes portant le hijab (vêtements islamiques) ont atteint des diplômes universitaires et un statut social élevés ; bien sûr, il est clair que les écrivains dans le domaine de la fantaisie ou du surréalisme politique peuvent interpréter le voile civilisé et autochtone comme un outil pour domination d'homme sur femme. Par conséquent, un autre motif doit être recherché pour cette pratique coloniale. Cet acte de colonialisme est un acte culturel et puisqu'il affecte les relations femme-homme, il doit être envisagé sous cet angle. La prise en compte des propositions ci-dessus nous conduirait au comportement principal du colonialisme qui est la division. La méthode la plus efficace et la plus fondamentale pour provoquer la division est la division culturelle qui a lieu entre les relations masculines et féminines dans une société. On peut conclure que la semi-nudité des femmes et leur faire lutter contre les valeurs d'une culture autrefois acceptée par les hommes et les femmes provoque des perturbations dans les relations sociales et soulève une sorte de remise en cause futile et éternelle des normes vestimentaires.

 

Cette controverse, causant des scènes tragiques tout au long de l'histoire, a une fonction cruciale pour le colonialisme, c'est-à-dire déplacer une énergie et une attention sociale précieuses vers la controverse sur un conflit planifié. De cette manière, les normes vestimentaires ou la semi-nudité deviennent le principal problème de la société colonisée, détournant l'attention des intentions et agents des colonialistes-impérialistes.

 

A titre d'exemple, le 8 janvier 1936, Réza Khan Pahlavi, mené au pouvoir par les colonialistes britanniques, a promulgué une loi interdisant aux femmes musulmanes iraniennes de porter le foulard ou le Tchador en dehors de leurs maisons.[1] En conséquence, de nombreuses femmes sont restées à la maison en raison de leur intérêt pour leur culture. D'autres, qui sont sorties dans la rue en hijab tout en préservant leur identité religieuse et culturelle, ont été attaqués par la police et les ont donc considérés comme des ennemis sociaux. Certaines personnes qui ont accepté ce plan de dévoilement obligatoire se sont retrouvées en conflit et éloignées du groupe de la société qui adhérait aux valeurs. Le résultat en était l'élargissement des écarts parmi les citoyens, les conflits sociaux et, naturellement, l'émergence et les problèmes de la division dans la société. Au cours de ces défis, un certain nombre d'événements se sont produits, lesquels ont séparé au cours des années suivantes une partie de la société d'une autre, et ont créé une exaspération nationale. Un événement étonnant à cet égard a été le cas de la mosquée Gohar-chad qui a eu lieu en août 1935, quand une réaction violente contre la politique d'occidentalisation et laïque de Réza Khan Pahlavi a éclaté dans le sanctuaire de l'Imam Réza (a.s.) à Machhad, ville religieuse au nord-est de l’Iran. Lors de cet incident sanglant, plus d'un millier de personnes, qui avaient protesté et fait grève dans la mosquée contre les politiques anti-culturelles du Chah installé par les Britanniques, y compris l'interdiction du hijab, ont été brutalement tuées par les forces de police sous l’ordre de Réza Khan.[2]

 

Cette stratégie anti-sociale et anti-culturelle n’était pas propre à l’Iran. En lisant l'histoire de l'Algérie, de la Turquie, de l'Afghanistan, du Maroc, de l'Égypte, etc., on constate les tentatives secrètes et manifestes du colonialisme pour perturber les tendances culturelles de ces sociétés et bien d'autres sociétés non islamiques. L'étude des médias coloniaux prouve également que la politique coloniale de provocation de la division est toujours en place et poursuivie avec vigueur. Tout cela, bien sûr, est pour une chose: diviser les gens d'une société pour que leur pouvoir n'entrave pas les aspirations coloniales.

 

 


[1]  Majd, Mohammad Gholi (2001), Great Britain and Reza Shah: The Plunder of Iran 1921-1941 [La Grande-Bretagne et Réza Chah: le pillage de l'Iran 1921–1941], Gainesville: University Press of Florida, pp. 209-213, 217-218, ISBN 9780813021119.

 

[2]  Hovsepian-Bearce, Yvette (2015), The Political Ideology of Ayatollah Khamenei: Out of the Mouth of the Supreme Leader of Iran [ L'Idéologie politique de l'Ayatollah Khamenei: hors de la bouche du Guide suprême de l'Iran], Routledge, p. 44. ISBN 9781317605829, consulté le 15 janvier 2019.

 

Source: https://english.khamenei.ir/news/8255/Cultural-colonization-Reza-Khan-Pahlavi-and-the-banning-of