Farzad Soltani : Doctorant au Département d'études européennes (études francologiques), Université de Téhéran
Introduction
L'histoire mondiale a été témoin de moments où les peuples opprimés se sont soulevés pour briser les chaînes de la tyrannie et de l'occupation. Deux événements historiques – la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 en France et l'opération "Déluge d'Al-Aqsa" le 7 octobre 2023 à Gaza – bien que survenus à des époques et lieux différents, symbolisent chacun à sa manière un combat pour la liberté d'une prison plus vaste : l'une étant celle de la monarchie absolutiste, l'autre celle du siège et de l'occupation sioniste. Cet article explore ces deux événements et leur lien symbolique. Autrement dit, le 14 juillet et le 7 octobre rappellent une même vérité : la lutte pour la liberté ne s'arrête jamais. Les Français, en capturant la Bastille, ont ouvert la voie à la liberté ; les Palestiniens, par le Déluge d'Al-Aqsa, ont démontré que l'oppression n'est pas une fatalité. La différence majeure réside pourtant dans le fait que la Révolution française est aujourd'hui célébrée comme un symbole de liberté, tandis que la résistance palestinienne reste injustement stigmatisée.
La liberté ne s'obtient jamais à bas prix – ni à Paris de 1789, ni à Gaza de 2023. L'histoire nous enseigne que l'injustice ne dure pas, et qu'un jour, les prisons s'effondrent. La chute de la Bastille marqua le début d'une révolution ; le Déluge d'Al-Aqsa pourrait bien inaugurer un nouveau chapitre dans la lutte pour la libération de la Palestine.
14 juillet : Fête nationale française et la chute d'un symbole tyrannique
Le 14 juillet 1789, le peuple de Paris prit d'assaut la Bastille, symbole de l'oppression et du despotisme du règne de Louis XVI. Cette prison redoutable était le lieu où les opposants politiques étaient enfermés sans procès. Sa chute ne fut pas seulement une victoire, mais un coup porté au système monarchique corrompu, devenant l'étincelle de la Révolution française. Avec son slogan "Liberté, Égalité, Fraternité", cette révolution contribua à poser les bases de la démocratie moderne et à inspirer des mouvements de libération à travers le monde.
Aujourd'hui, le 14 juillet est célébré comme fête nationale en France. Mais au-delà des festivités et feux d'artifice, ce jour rappelle plutôt le combat d'un peuple pour s'affranchir de la prison de la tyrannie.
La Prise de la Bastille, par Jean-Pierre Houël (1789).
Gaza : La plus grande prison à ciel ouvert avant le 7 octobre
Avant le 7 octobre 2023, les rapports de l'ONU et des organisations des droits de l'homme avaient maintes fois dénoncé les conditions de vie inhumaines à Gaza. Ce petit territoire, soumis à un blocus de 16 ans par le régime sioniste, était devenu la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Le siège économique avait entraîné des restrictions sévères sur l'accès à la nourriture, aux médicaments et au carburant. Le chômage et la pauvreté sévissaient, avec des taux records et une majorité de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Les attaques militaires répétées avaient causé la mort de civils, la destruction de maisons et d'infrastructures. Même les déplacements étaient si limités que les habitants de Gaza peinaient à obtenir des autorisations de sortie pour se soigner. À ce sujet, le Guide suprême de la révolution islamique [l'Ayatollah Sayed Ali Khamenei], dans ses déclarations du 10 octobre 2023 (cérémonie de remise de diplômes aux étudiants des universités militaires des Forces armées), a déclaré :
"cette calamité a été provoquée par les sionistes eux-mêmes. Lorsque l’oppression et la criminalité dépassent les limites, et que la brutalité atteint son paroxysme, il faut s’attendre à une tempête. Qu'avez-vous fait au peuple palestinien ? La démarche courageuse et dévouée des Palestiniens était une réponse aux crimes de l'ennemi usurpateur, qui se poursuivent depuis de nombreuses années et se sont intensifiés ces derniers mois. Le coupable de cette situation est l’administration actuelle qui dirige le régime usurpateur sioniste."
Malgré cette situation, la communauté internationale et les organisations mondiales n'avaient pris aucune mesure effective pour y remédier. Gaza était abandonnée à son isolement, comme si le monde avait accepté la mort lente de son peuple.
Des Palestiniens brandissent leur drapeau national sur un tank israélien détruit en guise de célébration après l’attaque terroriste du 7 octobre, qui a coûté la vie à plus de 1200 personnes dans le sud d’Israël.
7 octobre : Déluge d'Al-Aqsa, l'assaut contre la prison de Gaza
C'est dans ce contexte que l'opération Déluge d'Al-Aqsa eut lieu le 7 octobre 2023. On peut y voir un assaut contre la prison de de l'oppression, tout comme la prise de la Bastille fut un assaut contre la prison de la tyrannie.
Le peuple de Gaza avait souffert en silence pendant des années, mais sa patience avait atteint ses limites. L'inaction de la communauté internationale face aux violations des droits humains avait fait de la résistance la seule issue. Cette opération, comme la chute de la Bastille, symbolisait la lutte pour la liberté. Si la Bastille marqua le début de la Révolution française, le Déluge d'Al-Aqsa constitue un tournant dans le combat des Palestiniens.
Comparaison symbolique de deux prisons et de deux soulèvements
Les deux événements, le 14 juillet et le 7 octobre, sont comparables à bien des égards. La Bastille incarnait le despotisme absolu de Louis XVI, tandis que Gaza, sous le blocus sioniste, était devenue la plus grande prison à ciel ouvert. Dans les deux cas, des peuples opprimés, après des années de souffrances, atteignirent un point de rupture.
En France, la révolution bénéficia d'un large soutien populaire et conduisit à un changement de régime. En Palestine, la résistance fut accueillie par le silence, voire la condamnation de l'Occident. Cette dualité de critères révèle comment la communauté internationale adopte des positions variables face aux luttes pour la liberté, selon ses intérêts politiques.
La Révolution française aboutit à l'établissement de la démocratie et des droits civiques, mais le chemin de la Palestine reste parsemés d'obstacles. Pourtant, ces deux événements prouvent qu'aucune oppression n'est éternelle, et que les peuples finissent toujours par trouver un chemin vers la libération.