L’ONU, en tant qu’organisation intergouvernementale dont l’objectif principal est de maintenir la paix et la sécurité, a échoué dans un certain nombre de cas ; l'échec qui a conduit à la faim, à la mort et au déplacement de nombreux civils. La crise au Yémen est l'un de ces cas. L’article op-ed suivant tente d’analyser de manière critique le rôle de l’ONU dans la crise au Yémen.
Dans son discours télévisé du 11 mars 2021, à l'occasion de l'anniversaire de la réception de la première révélation du Prophète (SAWA) (Eid Maba'th), l'Imam Khamenei, Guide suprême de la Révolution islamique, a évoqué les actions communes de l'Arabie saoudite et du gouvernement américain dans le bombardement du peuple opprimé du Yémen et le siège économique imposé à ce peuple. Il s'est particulièrement concentré sur la performance de l'ONU à cet égard. Il a déclaré : « Cependant, dès que les Yéménites font quelque chose en réponse, ils (les ennemis) poussent de grands cris et les accusent d’avoir attaqué et assassiné. Ils le disent tous, même les Nations Unies. Le comportement des Nations Unies à cet égard, est encore plus reprochable que celui des États-Unis qui ont un gouvernement arrogant et oppressif, alors que les Nations Unies ne condamnent pas l’agresseur pour ces six ans de bombardements, mais condamnent, châtient et attaquent les Yéménites parce qu'ils se sont défendus et parce que leur défense a fonctionné. Ceci est un exemple de leurs mensonges. » [1]
Sur cette base, on peut dire que l'ONU a commis de graves erreurs dans la gestion de la crise au Yémen. Le présent article est une analyse critique des dimensions humaines de cette crise et de la performance de l'ONU à cet égard.
La tragédie humaine au Yémen
L'attaque de la coalition militaire dirigée par l'Arabie saoudite contre le Yémen, appelée Opération Tempête décisive, a commencé le 25 mars 2015. Ces attaques ont été menées avec le soutien militaire, logistique et informationnel de l'Amérique et de certains pays européens. Selon les statistiques du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, plus de 233,000 personnes sont décédées jusqu’au début septembre 2020, dont 131,000 sont décédées des suites de la malnutrition, du manque de soins de santé et de services médicaux et de la destruction des infrastructures au Yémen. Selon ces statistiques, 3,153 enfants et 5,660 enfants d'âge préscolaire de moins de 5 ans, y compris des nouveau-nés, ont perdu la vie à la suite de cette guerre. [2]
Dépensant des milliards de dollars, l'Arabie saoudite n'a cessé de bombarder le Yémen. Il a détruit une grande partie des infrastructures, des hôpitaux, des aéroports, des écoles, des systèmes d'approvisionnement en eau, des usines et même des maisons des gens ordinaires. En conséquence, le Yémen est confronté à la pire tragédie humaine de son histoire. Et les femmes et les enfants sont particulièrement touchés par la malnutrition, de nombreuses maladies et la mort. [3] L'ONU a annoncé en octobre 2018 que 13 millions de Yéménites souffraient de la faim et de la famine, qui représente la pire famine des 100 dernières années. Cette guerre a également entraîné le déplacement de millions de personnes. [4]
Une analyse des résolutions du Conseil de sécurité en réaction à la guerre au Yémen
En réaction à la guerre de six ans contre le Yémen, le Conseil de sécurité de l'ONU a publié des résolutions. Dans la plupart de ces résolutions, un cessez-le-feu immédiat et des négociations entre les deux parties ont été réclamés de manière générale et ambiguë tout en soulignant la condamnation des Houthis et la nécessité de maintenir les sanctions à leur encontre en même temps. Les mesures unilatérales et biaisées du Conseil de sécurité contre les Houthis et leur ignorance du rôle de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis et de leurs partisans américains et européens dans l'attaque sur le Yémen, ont conduit à ce que les résolutions mentionnées ne soient pas acceptées par toutes les parties impliquées dans la guerre et que la guerre au Yémen se poursuit encore. Dans la résolution numéro 2201 du 15 février 2015, le Conseil de sécurité a condamné les Houthis sous prétexte qu'ils ont entravé le processus de transfert de pouvoir politique et affaibli la sécurité au Yémen. Mais aucune référence n'a été faite au rôle de l'Arabie saoudite, à ses attaques contre le Yémen et à la façon dont elle a créé une tragédie humaine dans ce pays. Cette résolution a en outre souligné la nécessité de leur démission rapide de leurs fonctions officielles et de la capitale du Yémen. [5]
Dans la résolution 2204 du 24 février 2015, les activités du comité de sanction visant à geler les avoirs et les biens des dirigeants d'Ansarullah et de leurs alliés et l'imposition de sanctions financières et politiques ont été prolongées. [6] Dans la résolution 2216 du Conseil de sécurité du 14 avril 2015, l'attaque de l'Arabie saoudite contre le Yémen a été totalement ignorée et des mesures n'ont été prises que contre le Yémen. Dans cette résolution, il a été demandé aux Houthis de ne pas prendre de mesures unilatérales susceptibles de perturber la transition du pouvoir [7].
Le point le plus important de la prochaine résolution, numéro 2266, du 24 février 2016, est qu'elle montrait des inquiétudes concernant le contrôle par Al-Qaïda de certaines parties du Yémen. Dans cette résolution, le Conseil de sécurité s'est déclaré responsable de la préservation de l'intégrité territoriale et de l'indépendance du Yémen. [8] Mais aucune référence n'a été faite au rôle de l'Arabie saoudite dans l'utilisation des forces d'Al-Qaïda pour attaquer les Houthis. Il convient de noter que les dirigeants saoudiens ont laissé tranquilles les dirigeants et les forces d'Al-Qaïda au Yémen et ont refusé de les arrêter afin d'affaiblir les Houthis contre qui ils menaient cette guerre. Par exemple, en février 2021, le rapport de l'ONU concernant l'arrestation de Khalid Batarfi, le chef de la branche d'Al-Qaïda au Yémen, a été démenti à toutes fins pratiques en diffusant une nouvelle vidéo de lui. [9]
Dans la résolution 2342 du 23 février 2017, le Conseil de sécurité a non seulement souligné les dispositions de la résolution précédente, mais la mission du Groupe d'experts du Comité des sanctions pour imposer des sanctions aux fonctionnaires d'Ansarullah a également été prolongée d'un an. [10] Enfin, dans la résolution 2402 du Conseil de sécurité du 26 février 2018, la nécessité de respecter les lois internationales, les droits de l'homme et les droits internationaux a été soulignée et le Conseil de sécurité a exprimé sa préoccupation quant à l'existence d'obstacles à l'acheminement de l'aide humanitaire. [11] Dans la dernière résolution du Conseil de sécurité concernant la crise au Yémen du 25 février 2021, les sanctions d'un an contre les responsables d'Ansarullah ont été prolongées, les conflits autour de la ville de Ma'reb, les tentatives des Houthis pour s’emparer de cette ville stratégique et leurs attaques contre l'Arabie saoudite ont été condamnées. Et les Houthis ont été tenus responsables des problèmes humanitaires et environnementaux au Yémen. [12]
Le point qui mérite d'être noté est que le bombardement de civils yéménites par des forces saoudiennes n'a été clairement condamnée dans aucune des résolutions émises par l'ONU. Mais les progrès des Houthis, les forces résistantes contre les assaillants sur la ville stratégique de Ma'reb et le contrôle probable de ces forces sur cette ville, qui pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs dans la guerre en faveur des Houthis, ont conduit à la préoccupation des membres du Conseil de sécurité les amenant à émettre des résolutions à cet égard. Cette attitude unilatérale et biaisée en faveur de l'une des parties impliquées dans la guerre, qui est une tendance commune à toutes les résolutions émises par l'ONU en relation avec la crise yéménite, a rendu Ansarullah réticent à accepter ou à exécuter les résolutions émises par cette instance internationale. En revanche, l'Arabie saoudite, qui est convaincue que l'ONU ignorera ses crimes, a continué de détruire les infrastructures yéménites et de tuer des civils. [13]
Les erreurs du Conseil de sécurité de l’ONU dans la crise au Yémen du point de vue du droit international
Sur la base de la doctrine de la responsabilité de protéger et de l'intervention humaniste dans le droit international, si des massacres, des crimes de guerre, un génocide, un nettoyage ethnique et des événements similaires se produisent dans un pays particulier et que le gouvernement de ce pays est incapable ou refuse de soutenir ses citoyens, le Conseil de sécurité de l'ONU peut autoriser une intervention militaire dans ce pays pour protéger la vie des civils. Le principe de la responsabilité de protéger a été approuvé par le Conseil de sécurité de l'ONU en 2006 et a servi de base à l'intervention militaire de certains pays occidentaux en Libye, en Syrie, en Côte d'Ivoire et dans d'autres pays. [14]
En 2016, Amnistie Internationale a qualifié les attaques saoudiennes contre des zones civiles et des écoles, en utilisant des bombes à fragmentation, de violation du droit international humanitaire et de crime de guerre contre l'humanité. [15] En janvier 2021, le Secrétaire général adjoint des Nations Unies aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence a évoqué le problème de la malnutrition de 16 millions de Yéménites, le manque de services médicaux, le bombardement des villes et le fait qu'il n'y avait aucun signe de la fin de cette situation au Yémen. Il a demandé de mettre un terme immédiat et inconditionnel au conflit. [16] Daniel Johnson, un expert de l'ONU qui est membre du Groupe d'éminents experts sur le Yémen, un sous-groupe du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies, a évoqué les actions des personnes impliquées dans la guerre au Yémen, notamment celles qui empêchent les civils d'accéder à la nourriture et aux médicaments, en tant que crime de guerre. [17]
En conséquence, la doctrine de la responsabilité de protéger, qui a été confirmée par le Conseil de sécurité de l’ONU, exige que ce Conseil prenne des mesures militaires pour protéger la vie des personnes sans défense du Yémen. Cependant, aucune mesure de ce type n’a été prise et toutes les mesures prises par l’ONU ont été contre les Houthis et la nation yéménite. Par conséquent, l'Arabie saoudite a profité de cette occasion pour continuer à tuer les civils au Yémen. En outre, le Conseil de sécurité de l'ONU a refusé même de condamner les attaques militaires de la coalition saoudienne contre le Yémen et a tenu les Houthis responsables des problèmes dans ce pays. Sur la base du principe de l'interdiction de l'usage de la force en droit international, les gouvernements n'ont pas le droit de recourir à la force ou de se menacer les uns les autres, sauf dans le cas de l'exception importante de se défendre contre des attaques militaires étrangères. Néanmoins, l'Arabie saoudite et les autres pays attaquant le Yémen n'ont pas été victimes des attaques du Yémen, et le Yémen n'a même pas répondu aux attaques de ces pays pendant très longtemps. [18]
Une autre exception au principe de l'interdiction du recours à la force, fondé sur l'article 42 de la charte de l'ONU, est lorsque le Conseil de sécurité de l'ONU constate qu'un pays a menacé la paix et la sécurité internationales ou a commis un acte d'agression. Dans ce cas, le Conseil peut décider d’utiliser la force militaire dans une partie du monde pour rétablir la paix et la sécurité dans cette région. Alors que l'Arabie saoudite a lancé unilatéralement une attaque contre le Yémen, a bombardé des écoles, des hôpitaux et des habitants du Yémen, tuant à plusieurs reprises des civils, l'ONU continue d’ignorer cette question. Contradictoirement, elle a publié des résolutions condamnant les groupes yéménites pour avoir combattu les agresseurs saoudiens et leur a imposé des sanctions. Le conflit entre les résolutions du Conseil de sécurité relatives au Yémen et les dispositions du principe d’interdiction du recours à la force, qui signifie l’approbation de l’attaque militaire saoudienne, remet en question sa légalité. Par conséquent, l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes ont privé le peuple yéménite de son droit de déterminer son sort en recourant à la force.
Le Yémen n'était occupé par aucun pays étranger pour demander l'aide et l'intervention de pays étrangers ou d'organisations internationales, comme dans le cas du gouvernement exilé du Koweït, pour restaurer sa souveraineté. Deuxièmement, malgré l’affirmation de Mansur Hadi et des cinq pays arabes s’ingérant dans les affaires du Yémen, il n’y a pas eu de coup d’État qui a renversé un gouvernement légal. Les réalités de la société yéménite indiquent plutôt que le gouvernement yéménite a été confronté à des manifestations publiques et généralisées demandant le rétablissement de leurs droits fondamentaux et la participation à la détermination de leur sort. Sur cette base, aucune intervention n'a pu être faite sur la base d'une demande formulée par le président de ce pays qui avait démissionné et justifie une attaque comme étant légale. En outre, sur la base du principe de l'interdiction du recours à la force dans les affaires intérieures des pays, qui est un principe bien reconnu du droit international conventionnel et qui a également été souligné dans la charte des Nations Unies, l'illégalité de l'attaque saoudienne contre le Yémen peut être confirmé. [19]
Il convient de noter que les erreurs commises par l'ONU dans le cadre de la crise au Yémen sont plus que les cas qui ont été évoqués ci-dessus. Par exemple, en août 2019, un rapport d'enquête a été publié par l'agence de presse Associated Press montrant que plus de 12 travailleurs humanitaires internationaux des Nations Unies, qui s'étaient rendus au Yémen pour aider à faire face à la crise humaine dans ce pays, ont été accusés de corruption en raison de la signature de contrats douteux, de la collusion avec les différentes parties impliquées dans la guerre au Yémen pour gagner des intérêts, de compromettre du processus de surveillance et de voler les envois d'aide internationale au Yémen. Dans cette enquête, il a été constaté que les inspecteurs de l'OMS enquêtaient sur la corruption du personnel au Yémen, comme la nomination de personnes non qualifiées à des postes bien rémunérés, le dépôt de centaines de milliers de dollars sur les comptes personnels de certains membres du personnel, acceptant des dizaines de contrats douteux sans documents approprié et la perte de plusieurs tonnes de médicaments et de cargaisons de carburant vers le Yémen. Dans le même temps, une autre agence des Nations Unies, l'UNICEF, mène une autre enquête sur les actes de corruption de son personnel au Yémen. [20]
Conclusion
Sur la base des principes du droit international et en particulier du principe de l’interdiction de l’usage de la force, l’attaque de l’Arabie saoudite et de ses alliés contre le Yémen n’est pas un cas de défense juridique. C'est parce que le Yémen n'a pas attaqué ces pays. Au contraire, l’attaque de l’Arabie saoudite contre le Yémen est une menace pour la paix et la sécurité internationales, et les groupes yéménites ont le droit de se défendre contre les agresseurs. La non-condamnation des attaques saoudiennes contre le Yémen est un signe de la faiblesse et de l'inactivité de l'ONU. D'autre part, sur la base de la doctrine de la responsabilité de protéger, étant donné que des crimes de guerre ont été commis au Yémen, le Conseil de sécurité doit engager une action militaire contre l'Arabie saoudite afin de soutenir les civils. Cependant, toutes les décisions prises par ce Conseil ont été contre et au détriment des victimes de cette agression.
[1] https://french.khamenei.ir/news/12670
[2] https://news.un.org/en/story/2020/12/1078972
[3] https://www.hrw.org/world-report/2021/country-chapters/yemen#
[4] https://www.bbc.com/news/av/world-middle-east-45857729
[5] https://undocs.org/S/RES/2201(2015)
[6] https://www.undocs.org/S/RES/2204%20(2015)
[7] https://www.undocs.org/S/RES/2216%20(2015)
[8] https://www.undocs.org/S/RES/2266%20(2016)
[10] https://www.undocs.org/S/RES/2342%20(2017)
[11] https://undocs.org/S/RES/2402(2018)
[12] https://undocs.org/en/S/RES/2564(2021)
[14] https://www.globalr2p.org/what-is-r2p/
[15] https://www.amnesty.org/en/documents/mde31/3208/2016/en/
[17] https://news.un.org/en/audio/2018/08/1017902
[19] https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/20531702.2019.1612152
[20] https://www.occrp.org/en/daily/10425-un-probes-corruption-in-its-yemen-agencies
Source : https://english.khamenei.ir/news/8437/An-analysis-of-the-UN-s-mistakes-in-resolving-the-Yemen-crisis