• Noura Erfani, chercheuse culturelle

Parler de l’aube de l’Islam sans évoquer La Dame Khadijah (AS), c’est passer à côté de la pierre angulaire même de la fondation de la foi. Khadijah (AS) n’était pas simplement l’épouse du Prophète Muhammad (SAWA), ni simplement la première femme à embrasser l’Islam. Elle était la première protectrice de la foi, sa principale financière, son ancrage émotionnel et la compagne spirituelle du Messager de Dieu (SAWA). Pourtant, comme l’a souligné l’Imam Khamenei, son histoire a trop souvent été éclipsée, sa véritable envergure négligée.[1]

Lorsque la révélation divine est descendue sur le Prophète Muhammad (SAWA), c’est Khadijah (AS) qui a mis de côté sa grande richesse, son statut incomparable et son confort personnel pour devenir la première et sa plus inébranlable supportrice. En elle, nous voyons une femme qui aurait pu rester un joyau de la société mecquoise, mais qui a choisi de devenir la pierre angulaire d’une nouvelle civilisation. Son parcours, de la Princesse de Quraych à la Mère des Croyants, ne fut pas pavé de soie et d’or, mais de faim, de sacrifice et d’une foi qui brillait plus fort que toute couronne mondaine.

Une défiance de la Jahiliyah

La Dame Khadijah (AS) est née dans une société imprégnée de ce que le Coran appelle la Jahiliyah, ou l’Âge de l’Ignorance. À cette époque, les filles étaient enterrées vivantes, les femmes étaient privées de leur héritage et une femme était considérée comme n’étant guère plus qu’une propriété. Pourtant, Khadijah (AS) défia ce système. Elle élargit son empire commercial, gérant des caravanes à travers l’Arabie. On disait que ses caravanes commerciales égalisaient celles de tous les autres commerçants de Quraych réunis. Son succès lui valut le titre de Sayidat Quraych [la Princesse de Quraych]. Un autre titre, encore plus significatif, lui fut attribué : Al-Tahirah [La Pure]. Ce nom était un reflet direct de son caractère irréprochable. Dans un environnement commercial où les jugements étaient souvent arbitraires et où la corruption était courante, Khadijah (AS) était renommée pour son intégrité absolue, ses pratiques commerciales équitables et son honnêteté.

Bien avant l’Islam, Khadijah (AS) pratiquait déjà des droits que l’Islam allait plus tard codifier [2]. Cela inclut le droit de posséder des biens, de faire du commerce et de diriger avec dignité. Elle était riche, mais la richesse ne l’esclavagisait pas.[3] Au contraire, elle lui donnait les moyens de faire le bien. Par son indépendance et son succès, elle brisa le stéréotype des femmes comme étant faibles ou dépendantes. Elle incarnait un « troisième modèle » de féminité : active dans la société, modeste dans sa conduite et spirituellement élevée.

La première croyante : une conviction enracinée dans la pureté et la perspicacité

L’histoire de la première révélation est celle d’une rencontre sismique entre le mortel et le divin. Après des semaines de solitude dans la Caverne de Hira sur la montagne de Jabal an-Nour, Muhammad (SAWA), le commerçant digne de confiance connu dans toute La Mecque sous le nom d’al-Amin, fut confronté à une expérience qui brisa les frontières de sa réalité.

Lorsque le Prophète Muhammad (SAWA) revint de la caverne, secoué par le poids de la révélation, c’est le cœur de Khadijah qui devint son premier sanctuaire. Elle ne lui offrit pas un simple réconfort conjugal ni ne rejeta son expérience comme un simple rêve. Elle écouta, puis elle le confirma. Son acceptation de l’Islam était la décision consciente d’une âme perspicace. Pendant quinze ans, elle avait été témoin de son honnêteté impeccable, de sa bonté et de sa véracité. Elle savait, mieux que quiconque, qu’un homme qui n’avait jamais prononcé un mensonge envers ses semblables ne pouvait pas fabriquer un mensonge au sujet de Dieu.

Comme le note l’Imam Khamenei : « Son cœur était attiré par lui et elle commença à croire en lui… Plus tard, elle resta fidèle à sa foi. » Sa conviction donna au Prophète (AS) une assurance dont il avait besoin pour poursuivre sa mission à une époque où beaucoup s’opposaient à lui.

La richesse, le confort et la vie sacrifiés « avant la victoire »

Il est souvent dit simplement que Khadijah « dépensa sa richesse » pour l’Islam. Mais cette phrase ne saisit guère l’ampleur de son sacrifice. Le Coran nous dit : « Ceux d’entre vous qui ont dépensé [leurs moyens] et combattu avant la victoire ne sont pas égaux [aux autres]. Ils sont de rang supérieur à ceux qui ont dépensé et combattu après » (57:10).

Khadijah (AS) était l’incarnation même de ce verset. [4] Elle donna non pas lorsque le drapeau de l’Islam flottait haut, mais lorsque les croyants étaient peu nombreux, moqués et persécutés. Elle ne donna pas une partie de sa richesse. Elle donna tout. Son sacrifice culmina dans le boycott de trois ans à la vallée de Chiʿb Abi Talib. Avec les musulmans isolés, la nourriture était rare et la faim rongeait chaque famille. Khadijah (AS) donna le dernier de sa richesse pour soutenir les croyants. Elle endura elle-même les affres de la faim, jusqu’à ce qu’elle n’ait plus rien sauf la foi. Elle donna sa richesse, son confort et finalement sa vie pour la mission de l’Islam. L’Imam Khamenei compare son sacrifice à celui de l’Imam Hassan (AS), qui à plusieurs reprises donna la moitié ou la totalité de sa richesse. Une telle générosité totale fait partie des plus grandes vertus dans la tradition islamique.

La Mère de la Maison du Prophète

Khadijah (AS) est souvent rappelée comme la mère de Fatimah Zahra (AS), et ainsi la grand-mère de onze Imams. L’Imam Khamenei nous rappelle cette vérité souvent négligée [5]: la maison de Khadijah était le berceau des Ahl-ul-Bayt [6] [7]. Elle éleva le premier Imam, l’Imam Ali (AS), comme son propre enfant pendant des années et donna naissance à la mère des autres. Elle était, en tous points, la Mère des Croyants, son ventre et ses bras nourrissant la lignée des Imams qui préservèrent l’Islam.

Par cette mesure, elle était la mère non de onze, mais de tous les douze Imams. De plus, en réunissant le Prophète (le vaisseau de la Révélation) et le jeune Ali (la future porte de la ville du savoir) durant leurs années formatrices, Khadijah (AS) créa le climat propice à la transmission du savoir divin et du caractère prophétique. Sa maison devint un sanctuaire spirituel, établissant le lien fondamental entre la Prophétie et l’Imamat.

L’honneur et le rang de La Dame Khadijah et de la maison du Prophète (SAWA) ne sont pas seulement estimés par les Chiites. Le grand savant sunnite Ibn Hajar al-Asqalani, dans son commentaire sur le verset coranique : « En vérité, Allah veut enlever toute souillure de vous, O Ahl-ul-Bayt » (33:33), écrit : « L’origine et la racine des Ahl-ul-Bayt(AS) est La Dame Khadijah al-Kubra (AS). C’est parce qu’al-Hassan et al-Hussein (AS) viennent de La Dame Fatimah al-Zahra (AS), et Fatimah est la fille de Khadijah al-Kubra. De plus, Ali (AS) a été élevé et nourri dans la maison de Khadijah, et plus tard, sa fille Fatimah épousa Ali. Il est donc clairement évident que la fondation et la source des Ahl-ul-Bayt du Prophète (AS) remontent à La Dame Khadijah. »[8]

Un mariage résumé par l’amour et le respect

Le Coran dit : « Et parmi Ses signes, Il a créé pour vous des épouses parmi vous, afin que vous trouviez réconfort en elles, et Il a mis l’amour et la miséricorde entre vous » (30:21).

Khadijah (AS) et Muhammad (SAWA) incarnaient ce verset. Elle était son havre de tranquillité et sa source de miséricorde. Leur union fut remarquable dès le départ, défiant les conventions sociales de l’Arabie de l’époque. C’est Khadijah, une femme d’affaires prospère et respectée, qui reconnut le noble caractère du Prophète et fit la première démarche pour lui proposer le mariage. Impressionnée par ses vertus, elle se confia à son amie Nafisah, qui servit d’intermédiaire pour aborder Muhammad (SAWA). Lorsqu’il exprima des hésitations en raison de ses moyens financiers modestes, Nafisah lui précisa que Khadijah (AS) était une femme capable de subvenir à ses besoins. [9]

Ce renversement des normes, où une femme bien riche proposa à un homme de moyens plus modestes, posa les bases d’une relation fondée sur l’admiration mutuelle plutôt que sur l’attente sociale. Pendant les vingt-cinq ans de leur mariage, qui dura jusqu’au décès de Khadijah, le Prophète (SAWA) ne se maria avec aucune autre femme. Cette période peut être décrite comme celle d’un amour profond, de paix et de compagnonnage qui établit les bases des années difficiles de la prophétie à venir.

Le Prophète, plus tard, dit d’elle : « Elle a cru en moi quand les gens ont douté de moi, elle a affirmé ma vérité quand les gens m’ont nié, elle m’a soutenu de sa richesse quand les gens m’en ont privé, et Allah, le Très-Haut et Majestueux, m’a accordé des enfants par elle quand Il a refusé des enfants à [toutes] les autres femmes. » [10]

Elle était sa forteresse dans la tempête, et il n’a jamais cessé d’honorer sa mémoire. Sa future femme, Aichah, nota qu’elle n’a jamais ressenti de jalousie envers une autre femme comme elle l’a ressentie pour Khadijah, bien qu’elle ne l’ait jamais rencontrée.

Un modèle intemporel pour les femmes et les hommes

La vie de Khadijah défie tous les stéréotypes faussement associés aux femmes. Elle était modeste mais puissante, riche mais humble, épouse et mère mais aussi leader dans la société. Elle montra que la véritable dignité réside dans la foi, le service et la sincérité.

L’Imam Khamenei souligne que la grandeur de la Dame Khadijah est souvent négligée, mais elle est en réalité un modèle pour tous les temps. Elle est la réponse à deux fausses images de la femme à travers les âges : contre l’ignorance ancienne qui traitait les femmes comme des fardeaux et enterrait les filles vivantes, et l’ignorance moderne qui marchandise les femmes. Khadijah (AS) incarna une troisième voie – un chemin de pureté et d’indépendance, enraciné dans la foi et le service.

Pour cela, elle est comptée parmi les quatre plus grandes femmes de l’histoire, aux côtés de Maryam (AS), Asiyah (AS) et Fatimah (AS).[11] Le Prophète (AS) rapporta que Dieu Lui-même lui promit un palais au Paradis « où il n’y aura ni bruit ni fatigue. »[12]

Son héritage n’est pas celui d’un soutien passif. Sa contribution à la fondation de l’Islam fut active, stratégique et décisive. Elle utilisa son intellect, son influence et sa grande richesse comme des outils puissants pour protéger un message divin et bâtir un nouveau monde. Son sacrifice n’était pas un acte silencieux de charité. C’était un choix qui résonnait plus fort que n’importe quelle épée.

Références :

[1] https://english.khamenei.ir/news/7540/

[2] https://al-islam.org/khadijatul-kubra-short-story-her-life-sayyid-ali-asghar-razwy/chapter-2-early-lifeNahj-ul-Balaghah, Sermon 192

[3] Bihar al-Anwar, Vol. 16, pp. 21-22

[4] https://english.khamenei.ir/news/7540/

[5] https://english.khamenei.ir/news/7540/

[6] https://al-islam.org/khadijatul-kubra-short-story-her-life-sayyid-ali-asghar-razwy/chapter-19-khadija-and-islam

[7] Nahj al-Balaghah, Sermon 192

[8] Fath Al Bari, Vol. 7, p. 169

[9] https://al-islam.org/khadijatul-kubra-short-story-her-life-sayyid-ali-asghar-razwy/chapter-4-marriage

[10] Bihar al-Anwar, Vol. 16, p. 12

[11] https://farsi.khamenei.ir/video-content?id=36746

[12] Al-Kafi, Vol. 1, p. 458

[13] Bihar al-Anwar, Vol. 16, p. 12

 

(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Khamenei.ir.)