Au nom de Dieu le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux
... Le choix du régime islamique, comme thème de ce congrès est important, juste et délicat, car l'objectif principal de l'imam Khomeiny était de former un état islamique. Si cette Révolution avait été déclenchée sans avoir pour objectif la création d'un gouvernement islamique, juste pour réformer le système et ouvrir des centres de justice, comme cela avait été le cas lors de la révolution constitutionnelle, le travail de l'imam n'aurait même pas eu le dixième de sa valeur. Cela aurait donné le pouvoir à un courant religieux, à un parti et à un mouvement à coup sûr constitué par les élus de l'imam, mais ce qui est important, c'est que nous avons eu affaire à un mouvement sans précédent.
Ce que l'imam a accompli et que nous devons interpréter à sa juste valeur, est d'avoir lancé l'idée du gouvernement en islam. Pas le gouvernement des musulmans mais celui de l'Islam.
S'il s'agissait du gouvernement d'un musulman, cela aurait donné naissance au maximum, à un gouvernement dirigé par un musulman qui n'aurait pas laissé, du moins en apparence, le pays tomber dans la corruption sans que pour cela le régime et la gestion se fassent dans les cadres de l'islam. Les goûts personnels, les cultures, les habitudes et les préjugés auraient eu une influence. Or, seul le gouvernement islamique garantit l'islamicité d'une société, grâce à l'autorité de l'islam. Le véritable art de l'imam a été de présenter la thèse du gouvernement islamique.
Son modèle de gouvernement islamique, était la « Wilayat Faqih » qui a, il faut le reconnaître, des bases idéologiques très solides.
Je crois que la question de la Wilayat Faqih, malgré les petites nuances qui existent entre les jurisconsultes, constitue une des questions juridiques les plus évidentes. Si l'on regarde de près, nous verrons que cette question n'a jamais été lancée et que ce débat est resté sous silence depuis toujours, car on le considérait comme impossible à réaliser. Mais en regardant les livres et les travaux juridiques, nous nous rendons compte qu'aucun Faqih n'a reconnu un gouvernement non islamique. On le constate dans différentes rubriques juridiques.
C'est une évidence. Les allusions de l'auteur du livre Djavahir au sujet de la Wilayat Faqih prouvent qu'il la considérait comme une des évidences de l'islam, non pas dans le chapitre qui concerne la tutelle des orphelins mais dans celui sur le djihad et d'autres sujets importants qui montre que, d'après lui, la question était très étendue et constituait une des évidences de la jurisprudence islamique. D'autres comme Naraghi en ont parlé également, je ne veux pas présenter les choses dont on a parlé mais les sujets inédits. C'est l'idée proposée par l'imam Khomeiny.
Je demande à tous les participants à ce congrès, en particulier aux jeunes intellectuels, actifs et dynamiques, et en tenant compte des remarques que je ferai tout à l'heure, qui rendront la question plus délicate, de prêter attention au fait que le gouvernement islamique dont l'imam Khomeiny a parlé, et que vous avez l'intention d'appliquer et d'affirmer, ne se transforme pas en un gouvernement non islamique. Cela constitue l'essentiel des divergences idéologiques qui existent entre nous et nos ennemis. Si un musulman prend le pouvoir quelque part, ils n'y voient aucun problème, ce qui les gêne c'est que la religion prenne la direction des affaires dans la société et qu'on répande de nouvelles idées à travers le monde. Il faut donc prêter attention au fait que la Wilayat Faqih dont l'imam a proposé le modèle, ne signifie que l'état islamique, autrement dit le contrôle de l'islam, de la religion et de la Charia.
Il se peut que nos juristes tentent de réformer la jurisprudence dont nous disposons, et qui a ses inconvénients et ses défauts. Cela est une autre question, qu'ils le fassent mais ce que l'imam Khomeiny a proposé est l'institutionnalisation de la Charia et de la jurisprudence islamique dans la société. Son excellence ne voulait pas autre chose. J'ai discuté une fois avec lui au sujet de la Wilayat Faqih et dit que j'avais eu des discussions, avant la Révolution, avec des amis et des intellectuels dont certains croyaient que l'islam n'avait pas proposé de théorie précise en matière d'économie, et que toute méthode capable de réaliser les idéaux islamiques, la justice par exemple, devait être considérée comme islamique, je lui ai dis que moi, au contraire, je pensais que l'islam avait tracé des lignes, proposé des méthodes et un cadre pour l'économie, qui devaient être respectés. Son excellence a dit que c'était vrai. Je ne veux pas me référer à cette rencontre pour confirmer mes propos, je veux seulement attirer l'attention sur l'opinion de l'imam Khomeiny qui ne se satisfaisait pas de moins que cela. Quand il était question des règles secondaires, il les considérait comme des règles islamiques et juridiques. Il n'a jamais changé de position jusqu'à la fin de ses jours. Il a proposé de nouvelles idées au sujet de la musique qui s'appuyait sur des bases juridiques. Il est vrai que ses déclarations sont différentes de ce qui existe dans le « Makaseb » mais elles s'appuient sur des références juridiques et non sur des intérêts ou des nécessités personnelles. Il est possible que certaines personnes ne soient pas d'accord sur certains points de détail, à chacun son avis, mais que le point de vue de l'imam ne soit pas déformé ! Vous devez faire en sorte que les points de vue de l'imam soient présentés comme son excellence les a exprimés à travers ses écrits, ses discours et ses comportements. C'est une remarque importante qui implique un devoir historique et une mission.
La deuxième remarque est que le gouvernement islamique s'appuie sur une idée totalement nouvelle dans le monde.
La Révolution a fait preuve d'innovation et a supplanté ses rivaux. Cela ne ressemble à rien de ce que certains en ont dit plus tard, c'est une thèse vraiment révolutionnaire. Ce que la Constitution, les paroles de l'imam et l'expérience révolutionnaire proposent dans le modèle de la Wilayat Faqih, est une idée nouvelle dans le monde. On dirait à tort que c'est une expression arabe, théologique et théorique, c'est une notion totalement nouvelle qui consiste à confier le pouvoir à une personne qui ne commettra aucune erreur. C'est une chose importante. Voyez d'où viennent les problèmes dans le monde. Nous voulons mettre à la tête de l'état quelqu'un qui ne commet pas de faute. Il est possible que nous nous trompions et qu'il commette une erreur quelconque mais cela le mettra automatiquement à l'écart de ce poste. Cela est admis par les gens et par lui-même. C'est un nouveau modèle en matière de gouvernement qui a été proposé dans le monde.
Certains l'ont critiqué en déclarant qu'il s'agissait d'une idée démodée et rétrograde. Avant la Révolution islamique, nous avions eu dans le monde plus d'une dizaine de coups d'état où un officier, armé et botté, s'était emparé du pouvoir. Tous ces gouvernements ont été reconnus sans problème mais on a beaucoup parlé du nôtre, de notre imam et de cet immense mouvement ! Car une nouvelle idée venait d'être proposée, capable de confronter des critères et les idéologies politiques courants dans le monde. Cela était plus fort que le marxisme et le communisme. Ce n'est qu'au bout de dix ou vingt ans et grâce à la propagande du marxisme, ses actions et ses idéaux, qu'il a pris son élan alors que le mouvement islamique dès ses débuts était plus fort et plus puissant. Pourquoi ? Parce que soudain tous les pays du monde où vivaient des musulmans, ont repris conscience de leur identité, de leur autonomie et l'ont admiré. Cela fut un coup redoutable pour les ennemis.
Vous devez savoir que ce qui compte à long terme pour les pouvoirs politiques dans le monde, est la domination culturelle.
Il se peut que certains le démentent et prétendent n'avoir aucun intérêt pour la culture, mais le projet à long terme qui garantisse l'hégémonie des grandes puissances et leur domination, est bel et bien l'hégémonie culturelle. Si l'arrogance mondiale réussit à imposer sa domination culturelle sur un pays, elle sera sûre d'avoir tout ce qu'elle désire automatiquement et avec peu d'efforts, sans aucun problème. La question est celle de la culture et en premier la culture politique avec leur mise en valeur du libéralisme et de ce qu'ils appellent « la démocratie ».
L'idée nouvelle dont je parle est le gouvernement islamique. Elle ne restera pas toujours nouvelle nous devons l'admettre. Il est possible qu'il y ait des problèmes au départ, des inconvénients et des défauts d'interprétation, mais les pensées fortes et correctes doivent évoluer sans endommager leur base ni renier leurs principes. Cela exige une créativité qui augmente la sensibilité de votre travail, dont j'ai parlé tout à l'heure. Il faut éviter de prendre modèle sur les cultures étrangères dans vos innovations. On dépense aujourd'hui des budgets énormes pour mondialiser la notion occidentale de gouvernement. Ils mentent et essaient de propager de fausses idées par le cinéma, la publicité et d'autres méthodes, et mettent en valeur des vérités qui n'existent même pas pour attirer l'opinion internationale. C'est le travail le plus efficace dont les centres économiques et politiques sont capables. Ces idées nous touchent aussi mais nous devons prenons garde à ne pas nous laisser influencer.
Au début de la Révolution on entendait souvent des termes comme démocratie, démocratique et autres. Hadj Ahmad Agha (le fils de l'imam Khomeiny) a publié un message dans lequel l'imam disait qu'il ne voulait pas de ces expressions. Avant le retour de l'imam, on parlait quelquefois de « République démocratique islamique » mais l'imam se contenta du terme «République islamique ». Certains ont été surpris par le manque d'intérêt accordé au mot démocratique mais cette sensibilité était juste car ce mot était étranger et portait en lui des connotations culturelles qui au départ, ne représentaient qu'un simple sentiment mais qui, au fur et à mesure, risquaient de se développer. Il faut prendre garde à ce que les principes culturels de la démocratie occidentale et du libéralisme ne s'introduisent pas chez nous. Il est possible de trouver des notions de ce genre dans le principe de la Wilayat Faqih que nous devons extraire ou adapter, mais rien ne doit nous être imposé de l'extérieur. Regardons le modèle de l'état et du gouvernement islamique du Prophète et d'Amir Al-Mo'menin, comprenons-les et agissons selon eux.
Il y a aujourd'hui à Qom, des jeunes intellectuels qui travaillent sur ce sujet et y réfléchissent, mais nous devons faire attention de ne pas entacher la pureté et l'originalité de cette idée nouvelle.
Ne nous trompons pas en croyant que nous appliquons nos propres idées alors qu'il s'agit d'idées venues d'ailleurs qui se sont développées en nous et dans nos esprits. Il faut nous appuyer sur les piliers et les principes des sources islamiques, compléter cette idée, la développer et enfin l'exprimer dans différentes langues. Aujourd'hui, comme l'Ayatollah Mohammad Hadi Ma'refat vient de le dire, certaines idées et questions sont posées qui n'ont pas une grande importance et qui peuvent être facilement résolues dans les milieux théologiques. Mais comme on les présente dans des termes intellectuels, on s'imagine que ces questions sont importantes et elles peuvent avoir une certaine influence. Il faut y répondre avec un esprit logique et puissant. Je crois qu'il est nécessaire de faire preuve d'une force d'esprit dans ce domaine. Il ne faut pas se décourager face aux attaques et aux accusations. C'est ce qui compte en premier lieu. Ne croyez pas qu'après quelques années, les lacunes du gouvernement islamique sont apparues et qu'il n'y a rien à faire, non ! Nous n'en sommes qu'au début, des projets immenses et de grands pas nous attendent. Le monde de l'islam a vraiment besoin d'un leader et celui-ci doit être ce peuple. Le noble Coran dit :
« لتكونوا شهداء على النّاس »
Je m'étais souvent demandé comment un peuple pouvait être un témoin (un exemple et un modèle), et j'ai constaté plus tard, à différentes occasions, que si nous voulons guider les peules et les nations, nous avons besoin d'un peuple exemplaire.
Notre guerre nous a transformés. Nos jeunes, leur sacrifice, leur résistance pendant la guerre et sur la scène politique, et ce courage face aux menaces hégémoniques et américaines, ne sont pas dérisoires. La République islamique s'est opposée au plus grand pouvoir matériel du monde, sans être belliciste, et s'appuie sur ses points forts. Ils préfèreraient que nous nous appuyions sur nos faiblesses, comme la puissance et les armes, mais nous nous appuyons sur nos points forts, à savoir la foi, la piété, la solidarité et la coopération entre le peuple et l'état. Nous ne sommes pas faibles dans ces domaines. Nous avons pu résister jusqu'ici et nous le pourrons incha-Allah, dans l'avenir. C'est le témoin (dont j'ai parlé), un exemple pour les peuples, une voie à montrer aux gens qui regardent. Certains ont du courage et avancent, certains non. De toute façon, la voie est tracée, il est important de montrer le chemin. Avec un tel avenir et de telles exigences mondiales et historiques, le régime et la Révolution islamiques ont une lourde tache. C'est vous qui devez l'accomplir. Vous devez, vous les jeunes et la nouvelle génération des jurisconsultes, avancer en vous référant au Livre Saint, à la Tradition du Prophète et à la pensée islamique, loin des ambitions et des soucis dérisoires comme les questions matérielles et politiques.