Interviewer : À votre avis, quelle est la raison derrière les récentes déclarations de l’Imam Khamenei concernant la nécessité de lever les sanctions?

Dr Jalili : Son Eminence a dit quelque chose de très précis et correct d'un point de vue d’expert. Qu'a t'il dit? Il a dit que nous ne sommes pas pressés que les États-Unis reviennent au JCPOA et que ce qui est important pour nous, c'est la levée des sanctions, pas le JCPOA en soi. En effet, l’accord n’était qu’un moyen de lever les sanctions. Le but de l'accord était de lever les sanctions. Son Eminence a déclaré ouvertement que les sanctions devraient être levées. Cela diffère de l'arrêt ou de la suspension des sanctions. Dès le début, il avait la même exigence concernant le JCPOA. Nous n’envisagions pas de signer le JCPOA simplement pour imposer des restrictions à nos propres activités nucléaires. Si nous avons accepté cet accord, notre objectif était de faire lever les sanctions. Sinon, c'est déraisonnable de limiter ses propres activités nucléaires pacifiques. C'était même difficile pour le pays. Alors pourquoi nos fonctionnaires l'ont-ils accepté? Ils l'ont accepté afin que les sanctions soient levées.

Le fait que le Guide suprême de la Révolution a déclaré que nous n'étions pas pressés, c'est parce qu'il a cette perspective. Il est clair où ce chemin mène, quels résultats il produira et quelle perspective l'ennemi a adoptée. L'ennemi veut nous conduire sur un chemin sombre, sans fin et vague. Et puis, ils veulent vous prendre de l'argent comptant et vous vendre des choses à crédit. On ne sait même pas s'ils vendront à crédit. Si les sanctions doivent rester en place, puis ils reviennent au JCPOA en disant qu'ils conserveront toujours l'option snapback - en d'autres termes, qu’ils disent qu'ils pourraient restaurer cinq résolutions par exemple - cela aura plus d’inconvénients que d'avantages. La levée des sanctions va dans ce sens.

 

Interviewer : Un autre danger qui peut survenir est que la partie américaine pourrait faire des pas artificiels vers la levée des sanctions. Par exemple, ils pourraient dire que certaines personnes ont été retirées de la liste des sanctions. Quelles mesures sérieuses et pratiques les États-Unis devraient-ils prendre pour lever les sanctions?

Dr Jalili : Tout d'abord, toutes les sanctions doivent être levées, car nous pensons que ces sanctions sont oppressives et injustifiées. Ils disent eux-mêmes que Trump est une personne insensée et déraisonnable et c'est pourquoi il a agi de la sorte. Eh bien, ils devraient compenser tout cela. Plus précisément, les deux sanctions importantes qui existent aujourd'hui sont liées à notre système bancaire et notre pétrole.

Vous avez constaté que ce ne sont pas les Américains qui ont récemment publié une déclaration, mais c'étaient plutôt les Européens, même s'ils avaient précédemment affirmé qu'ils n'étaient pas du même avis que Trump. Cependant, le Conseil de l'Union européenne pour les affaires étrangères a publié une déclaration qui est très intéressante. Cela nous clarifie le chemin de manière précise! C'est ce que notre Guide suprême a déclaré. Il dit que l'Iran devrait reprendre ses engagements. Par exemple, il devrait ramener le processus d’enrichissement à trois pour cent, mettre un terme aux récentes initiatives qu’il a prises et recommencer à honorer ses engagements. Alors que feront-ils? Ils disent qu'en retour, les États-Unis créeront un cadre fiable pour l'achat de biens essentiels pour contre le Covid-19!

 

Interviewer : La question suivante concerne la récente décision prise par le Parlement et l'administration dans le but de réduire certains de nos engagements dans le cadre du JCPOA. Quelle est votre analyse de cette mesure et de ses conséquences?

Dr Jalili : C'est une décision tout à fait raisonnable et logique. Dans chaque accord, si l’autre partie ne respecte pas une partie de ses engagements, la raison veut que, vous aussi, ne respectiez pas une partie de vos propres engagements, et encore moins si l’autre partie se retire complètement de l’accord. Les clauses 26 et 36 du document du JCPOA disent que si l’autre partie ne respecte pas ses engagements, l’Iran a le droit de mettre fin complètement ou partiellement à ses propres engagements. Mais l’Iran n’a cessé de respecter ses engagements que partiellement - pas complètement. Le récent projet de loi ratifié par le Parlement dit que l'Iran ne se retire que partiellement de ses engagements. Mais même si nous avions complètement mis fin à nos engagements, cela aurait été raisonnable car l’autre partie n’a rien fait pour honorer ses promesses.

 

Interviewer : Dans le texte que le Guide suprême de la Révolution a écrit pour approuver provisoirement le JCPOA, il a fixé certaines conditions pour le respect de nos engagements. Mais certains d'entre eux n'ont pas été réalisés. En effet, certains problèmes se sont posés dans ce domaine. Désormais, si nous souhaitons bénéficier de l’expérience du JCPOA et agir en conséquence, quelle est la feuille de route du pays sur ce sujet? Par exemple, comment pouvons-nous imposer «l'engagement en échange de l’engagement»?

Dr Jalili : Il est très important de ne pas répéter deux fois la même erreur. Ce que nous avons gagné du JCPOA, c'est que nous avons compris que nous ne pouvons pas faire confiance aux États-Unis et à d'autres grandes puissances comme les pays européens. Et nous avons vu qu'aucun d'entre eux n'a rempli ses engagements.

Ce que je veux dire, c'est que si nous avons eu une expérience amère sur le chemin de notre avancement, nous ne devons pas laisser cela se reproduire. Quant à votre question sur les mesures à prendre, je dois dire que la levée des sanctions est l’un de nos objectifs et de nos revendications. Nous devons le déclarer ouvertement et le poursuivre.

Laissez-moi vous donner un exemple. Lorsque la Révolution a eu lieu, l'ennemi a voulu arrêter le progrès de notre nation. En fait, la première option qu'ils ont choisie était l'option militaire. Ils ont fait de leur mieux dans ce domaine. Mais pourquoi maintenant, après plusieurs années, ne poursuivent-ils plus l’option militaire? C'est parce que notre peuple a dépouillé cette option de son effet en raison de sa résistance et que, par conséquent, l'ennemi a compris que l'option militaire ne fonctionnera plus. Aujourd'hui aussi, l'ennemi utilise le levier des sanctions. Nous disons que ces sanctions devraient être levées. Mais il y a pour nous une option d'encore plus significative que la levée des sanctions, et c’est annuler l'effet des sanctions et ne plus permettre à l'ennemi d’avoir recours au levier des sanctions.

Par exemple, une des choses sur lesquelles les ennemis voulaient imposer des sanctions était l'essence. Malgré le fait que nous soyons l'un des plus grands producteurs de pétrole au monde, les ennemis ont dit qu'ils imposeraient des sanctions sur l'essence. En effet, à l’époque, nous importions de l’essence et l’ennemi savait que l’essence était quelque chose d’important dans la vie quotidienne des gens. C'est pourquoi ils ont évoqué ce sujet à plusieurs reprises. Eh bien, imposer des sanctions sur l’essence est quelque chose d’important, mais pourquoi n’abordent-ils pas cette discussion aujourd’hui? Pourquoi cette option a-t-elle été retirée de la table, même sous l'administration Obama? C'est parce que l'Iran est devenu un producteur et même un exportateur d'essence. Nos jeunes ont accompli de grandes réalisations dans la raffinerie Persian Gulf Star qui ont conduit l'Iran à devenir aujourd'hui un exportateur d'essence. Cela signifie contrecarrer l'effet des sanctions.

Nous pouvons également nous référer au cas du Coronavirus. Sur cette question également, nos gens ont constaté qu'ils (les ennemis) avaient commencé à nous causer des problèmes dès le début. Mais ils ont soudainement vu que notre nation était capable de produire ses propres masques, kits de test et vaccins. Par conséquent, ils ne peuvent plus l’utiliser comme un levier contre nous.

Il y a environ 200 pays dans le monde. Qui a dit que le monde se limitait aux États-Unis et à quelques pays européens? Nous avons environ 15 pays autour de nous dont les importations s'élèvent à mille milliards de dollars. C'est un très bon marché qui s'offre à nous. En effet, ils ont besoin de plusieurs de nos produits.

Nous devons nous concentrer sur une interaction constructive avec le monde à grande échelle, et le monde ne se limite pas aux États-Unis et à quelques pays européens. Nous devons compenser cette lacune.

 

Interviewer: Comme dernière question, comment trouvez-vous l’approche du Guide suprême en matière de diplomatie, de négociations et d’interaction avec le monde?

Dr Jalili : Le Guide suprême de la Révolution a déclaré à plusieurs reprises qu'une telle interaction constructive à grande échelle est un principe et une nécessité importants. Il faut la poursuivre. De plus, si nous pouvons avoir des interactions constructives à grande échelle avec le monde, ce sera l’un des moyens de compenser les effets des sanctions. Dans de telles circonstances, personne ne pensera que tout est entre ses mains et que si nous n’avons pas de relations avec elle, nos options seront limitées. Non, nous avons de nombreuses options. Un autre point est qu'aujourd'hui la Chine est une grande puissance dans le monde. Leur président se déplace en Iran et annonce qu'ils sont prêts à avoir des relations stratégiques avec l'Iran, et il fait des propositions dans divers domaines économiques. Eh bien, c'est une opportunité. Et nous avons beaucoup d’opportunités pareilles. Il y a aussi la Russie et d'autres voisins. Si nous prenons cette option, l'autre partie pourrait même refaire ses calculs. Ils peuvent dire : « Même si nous exerçons des pressions maximales, les pressions seront déchargées de l'autre côté. En effet, l’Iran répond à ses besoins en interagissant avec d’autres pays. »

À la fin de cet entrevu, souvenons-nous du grand martyr Hadj Qassem [Soleimani]. Il disait que quand on regarde l’arène, on voit que les choses ne sont pas du tout comme on le dit, qu'ils  (les ennemis) sont très faibles, vulnérables et faciles à vaincre, et que nous pouvons agir de manière très forte. Cela existe également dans d'autres domaines, notamment en économie, en diplomatie et en politique. Et ils sont bien plus faibles que ce qu’ils prétendent être.