Certaines vies brillent au-delà des pages de l'histoire, devenant des phares spirituels qui illuminent les cœurs à travers les générations. Pour les musulmans chiites, l'Imamat est une croyance centrale. « L’Imamat signifie la direction de la religion et (des affaires) du monde, la direction de la matière et du sens. Eh bien, la matière est la politique et l'administration du pays et du gouvernement. » [1] « Ce n'est pas simplement la gouvernance des corps physiques, ni seulement l'administration des aspects mondains et quotidiens des gens. C'est la gestion des cœurs, et c'est aider les âmes et les esprits à atteindre la perfection. » [2] « L'Imamat signifie concrétiser le message des prophètes dans les cœurs des gens, dans leurs pensées, et dans leurs actions et leurs œuvres. Voilà le sens de l'Imamat. » Ainsi, « La désignation des Imams par le Prophète était en réalité une désignation par Dieu Tout-Puissant. C'était la volonté divine que des individus parfaits en spiritualité, en religion, en éthique et en vertu, qui possèdent une profonde perspicacité, du courage, un esprit de sacrifice, ainsi que des émotions humaines tendres alliées à une stabilité spirituelle et une force intérieure, soient placés à cette position. » [3]

Parmi cette famille de l'Imamat se trouvait l'Imam Moussa al-Kazim (AS), le septième Imam, et sa fille Dame Fatimah Masoumah (AS) – une femme dont la vie de dévotion, de migration et de connaissance fit d'elle un être vénéré. Elle était la sœur du huitième Imam, Ali ar-Reza (AS), un phare rayonnant allumé par le soleil infini de l'Imamat, portant sa lumière divine pour illuminer les cœurs et les lieux, proches ou lointains. Et aujourd'hui, son anniversaire est commémoré en Iran comme la Journée nationale des Filles.

Un héritage spirituel enraciné dans le courage et la foi

Dame Fatimah Masoumah (AS) vécut sous le règne oppressif des Abbassides, lorsque les Imams infaillibles faisaient face à d'immenses persécutions. Malgré l'hostilité de l'époque, sa vie reflétait une piété profonde, un savoir érudit et une loyauté indéfectible envers les Ahl-ul-Bayt [la Famille du Prophète (SAWA)]. Elle émergea comme une érudite des sciences islamiques et une narratrice fiable de hadiths. Les historiens chiites rapportent que Dame Fatimah Masoumah figure parmi les plus grands transmetteurs de hadiths de sa famille, lui valant le titre de Muhaddithah (celle qui transmet les hadiths). [4]

L'histoire rapporte que son statut savant était si éminent que lorsqu'un groupe de musulmans se rendit à Médine pour poser leurs questions religieuses à l'Imam al-Kazim (AS) et ne put le rencontrer, ils s'adressèrent à cette fille érudite. Sur le chemin du retour, lorsqu'ils croisèrent l'Imam al-Kazim (AS), ils lui présentèrent les réponses écrites qu'elle avait fournies. L'Imam embrassa le papier et dit : « Que son père soit sacrifié pour elle ; elle est une savante sans avoir été enseignée, et une narratrice éclairée de la sagesse divine. » [5]

Dame Fatimah Masoumah (AS) était une autorité spirituelle à part entière. Sa décision de voyager de Médine au Khorasan iranien pour rejoindre son frère malgré les troubles politiques témoigne de son courage et de son dévouement à la cause de la vérité divine. Cependant, elle tomba malade en chemin et décéda à Qom, où son lieu de sépulture transforma la ville en un épicentre spirituel et intellectuel du chiisme.

À l'époque de la migration de Dame Fatimah Masoumah (AS) vers l'Iran, le climat politique était extrêmement volatile. Ma’moun arriva au pouvoir après une guerre civile avec son frère Amin, affaiblissant le califat abbasside et créant des tensions factionnelles parmi les loyalistes abbassides et la population musulmane en général. Pour stabiliser son règne, Ma’moun chercha à s'attirer les faveurs de divers groupes, dont les chiites, influents dans des régions comme le Khorasan. Ainsi, il convoqua de force l'Imam Ali ar-Reza (AS) de Médine au Khorasan, dans une tentative de consolider son pouvoir fragile en le nommant son successeur. Cette manœuvre fut largement perçue comme une stratégie politique plutôt qu'une reconnaissance sincère de l'autorité spirituelle de l'Imam.

En agissant ainsi, Ma’moun visait à légitimer son règne en l'associant à l'Imam infaillible, qui bénéficiait d'un large soutien parmi la communauté chiite et d'autres groupes mécontents du pouvoir abbasside. L'acceptation réticente de l'Imam sous la contrainte suscita le mécontentement des loyalistes abbassides et constitua un défi direct au statu quo politique.

Dans ce contexte, la migration de Dame Fatimah Masoumah (AS) et des autres membres de la famille de l'Imam (AS) de Médine vers le Khorasan revêtait une profonde signification. Leur migration symbolisait la solidarité avec l'Imam et était perçue comme un acte de défi silencieux mais puissant contre le régime abbasside. L'arrivée des descendants de l'Imam Moussa al-Kazim (AS) dans des villes iraniennes comme Qom et Chiraz renforça la présence chiite, posant les bases de ce qui deviendra l'un des plus grands centres d'érudition chiite au cours des siècles suivants.

Les érudits contemporains ont souligné le rôle crucial de la présence de Dame Fatimah Masoumah (AS) à Qom dans la transformation de la ville. Ce qui n'était autrefois qu'une bourgade paisible devint un centre renommé de savoir grâce à ses bénédictions. Comme l'a justement noté l'Ayatollah Khamenei :

« Sans aucun doute, le rôle de Dame Fatimah Masoumah (AS) dans la prospérité de Qom et dans l'élévation de la renommée de cette ville ancienne, religieuse et historique est incontestable. Cette noble femme, cette jeune fille élevée dans le giron de la Famille du Prophète, à travers son voyage aux côtés des adeptes, compagnons et amis des Imams (AS), son passage dans diverses villes, et son ensemencement des graines de la connaissance et de la Wilayat parmi les populations sur son chemin – puis son arrivée dans cette région et son installation à Qom – a fait de cette ville un foyer rayonnant des enseignements des Ahl-ul-Bayt (AS) durant cette ère obscure et oppressive de tyrannie. Elle devint une forteresse d'où les lumières du savoir et des enseignements des Ahl-ul-Bayt (AS) se diffusèrent aux confins orientaux et occidentaux du monde islamique. » [6]

Le sanctuaire de Dame Fatimah Masoumah (AS) est bien plus qu'un monument. C'est un havre pour ceux qui cherchent la proximité divine. Des millions de visiteurs y viennent chaque année pour réciter sa ziyarah (prière de visite) – une invocation qui reflète à la fois la vénération et une profonde reconnaissance théologique. C'est en ces lieux mêmes que la Révolution islamique d'Iran prit racine. Son sanctuaire fut – et demeure – le soutien spirituel de milliers de combattants martyrisés pour la défense du gouvernement islamique en Iran, et qui aujourd'hui luttent contre l'impérialisme dans la région de l'Asie occidentale. C'est aussi là que des figures éminentes, comme Sayed Hassan Nasrallah, étudièrent les principes de l'islam, intériorisèrent ses enseignements et changèrent le cours de l'histoire.

Un idéal féminin intemporel

Dame Masoumah (AS) fut honorée de nombreux titres : al-Ḥamīdah (la Louangée), al-Taqiyah (la Pieuse), al-Rachidah (la Sage), al-Raziyah (la Satisfaite), al-Marziyah (celle dont Dieu est satisfait), al-Ṭāhirah (la Pure), al-Siddiqah (la Véridique), et Ukht al-Reza (la sœur d'imam Reza). Ces titres n'étaient pas honorifiques – ils reflétaient un caractère inspirant autant la vénération que l'émulation. Son titre même de Masoumah (la Pure) lui fut accordé par son frère, l'Imam Ali al-Reza (AS), soulignant sa stature spirituelle.

Elle est souvent comparée à Dame Fatimah al-Zahra (AS), la fille du Prophète Muhammad (SAWA), non seulement en raison de sa lignée, mais parce qu'elle incarnait les mêmes vertus de modestie, de force et de perspicacité spirituelle.

Pourquoi une Journée nationale des Filles ?

Dans un monde moderne qui mesure souvent la valeur à l'apparence ou au succès matériel, la célébration de la naissance de Dame Masoumah (AS) comme Journée nationale des Filles rappelle culturellement ce qui définit véritablement la dignité. Elle ne commanda aucune armée et n'occupa aucune fonction politique, mais par sa foi, elle changea le destin d'une ville et le cœur de générations.

Son exemple nous rappelle que la grandeur n'est pas toujours bruyante. Parfois, elle chemine en silence vers Dieu, rayonnant d'une force qui ne domine pas, mais élève. Pour les jeunes filles musulmanes du monde entier, elle offre un modèle intemporel à suivre – qui ne s'efface pas avec les modes, mais grandit avec la foi.

L'islam lui-même honore les filles avec une profonde révérence. Le Prophète Muhammad (SAWA) a dit : « Quiconque élève une fille avec bienveillance et ne favorise pas ses fils par rapport à elle, Dieu le fera entrer au Paradis. » [7] Cet enseignement, ainsi que l'exemple de Fatimah Masoumah (AS) en tant qu'érudite et modèle spirituel, soulignent que les filles sont chéries comme porteuses d'un potentiel divin, capables d'une grandeur spirituelle égale à celle de tout homme. Sa vie inspire les jeunes musulmanes à poursuivre le savoir et la piété, sachant que leur valeur est appréciée aux yeux de Dieu.

Dame Fatimah Masoumah (AS) est une fenêtre ouverte sur une théologie où les femmes ne sont pas marginalisées, mais centrales à l'élévation spirituelle et communautaire. Son sanctuaire demeure un phare pour les cœurs en quête de vérité, sa supplication un pont vers la miséricorde divine, et son héritage une leçon de courage, de savoir et de dévotion inébranlable. Pour des millions de personnes à travers le monde, elle est l'étoile guide de Qom et l'esprit d'un héritage qui continue d'illuminer le chemin vers Dieu.

 

Références:

[1] Discours de l'Ayatollah Khamenei, 8 mai 2024

[2] Discours de l'Ayatollah Khamenei, 3 mars 2002

[3] Discours de l'Ayatollah Khamenei, 29 décembre 2007

[4] Yūsuf ‘Alī Yūsufī, Shahīdat-e Ghurbat, pp. 142–143

[5] Ṣāliḥ ibn ʿArandas al-Ḥillī, Kashf al-laʾālī

[6] Discours de l'Ayatollah Khamenei, 21 octobre 2010

[7] Mustadrak al-Wasā’il, Vol. 15, p. 118